La bonne guerre
tout à fait persuadés
qu’ils remporteraient la victoire. Ils pensaient pouvoir s’emparer de
Stalingrad dans la foulée. Nous étions fin juillet 1942. Notre division avait été
amenée à la gare près du Don. Notre régiment a avancé directement vers le Don
sans attendre les autres régiments. Nous avions pour tâche de défendre le
fleuve afin d’empêcher l’ennemi de le traverser. C’est là que le Don est le
plus proche de Stalingrad. Après la guerre un canal a été construit pour relier
le Don et la Volga.
Ma compagnie de canonniers défendait le village de Nizhnyj. Nous
avons subi des revers. Bien sûr nous avons résisté, mais l’armée soviétique s’est
finalement fait repousser. Nous retardions l’ennemi sur le Don mais les forces
n’étaient pas égales. Notre armée reculait lentement vers Stalingrad. Des
combats particulièrement meurtriers avaient eu lieu à la gare du village d’Avgenyerova.
Les gens du coin m’ont dit que pendant de nombreuses années ils avaient dû
ensevelir les squelettes qu’ils continuaient à retrouver. Ils appelaient ce
champ le champ blanc, tellement il était blanc d’ossements, de soldats
soviétiques et allemands.
Quand nous montions à l’assaut les Allemands nous mitraillaient.
Quand ils montaient à l’assaut nous leur faisions la même chose. Au début des
affrontements le sol était très plat, mais à mesure que les combats se
poursuivaient, il devenait plus accidenté à cause des cadavres qui le
jonchaient.
L’aile gauche de l’armée allemande s’est approchée de
Stalingrad le 23 août après une attaque massive de l’aviation allemande. Ce
jour-là Stalingrad a été presque entièrement détruite, à cause de la
supériorité de l’aviation allemande.
Notre aile droite a dû battre en retraite jusqu’aux
faubourgs de la ville. Là nous avons organisé notre défense, et jusqu’au 20
novembre nous n’avons jamais quitté nos positions. Il y a eu des attaques et
des contre-attaques, des combats extrêmement violents. Nous n’avons pas reculé
d’un pouce.
Le 19 novembre l’attaque des troupes soviétiques a commencé.
Notre division s’est jointe à l’attaque le jour suivant. Le 23 novembre les
Allemands étaient encerclés. Environ 330 000 soldats et officiers sous le
commandement du général Paulus étaient encerclés. À mesure que les combats
continuaient, le cercle se refermait, nous resserrions l’étau. Le général
Manstein a essayé de briser l’encerclement par l’extérieur. Il a réussi à
pénétrer de trente à quarante kilomètres vers l’intérieur. Seulement à la gare
d’Avgenyerova ses chars ont été battus. Dès lors il n’y avait plus d’espoir d’ouvrir
une brèche et de libérer le général Paulus et ses troupes.
Alors ç’a été le début de l’agonie des Allemands. Un peu
avant le 10 janvier 1942 le général soviétique Rokossovsky leur a proposé de se
rendre. Il était inutile de continuer à tuer des gens. La proposition était
assez humaine. Il a donné aux Allemands l’assurance qu’il garantirait la vie à
toutes les troupes vaincues. Il leur offrait aussi une aide médicale. Il avait
promis aux officiers qu’ils pourraient sortir munis de leurs armes de poing, comme
les couteaux par exemple, et qu’ils pourraient conserver leurs décorations.
Le commandement allemand a refusé sur ordre de Hitler. Le 10
janvier toutes les troupes du front de Stalingrad ont commencé leur grande
offensive. Très peu d’avions allemands ont pu arriver jusqu’aux troupes
encerclées. À ce moment-là, la prépondérance de notre aviation et de notre
artillerie antiaérienne était telle que nous abattions tous les appareils
ennemis avant même qu’ils aient pu atteindre la poche. Vers la mi-janvier je ne
pouvais plus trouver le moindre espace où installer l’artillerie de ma
compagnie tellement le sol était jonché d’armes allemandes. À mesure que le
cercle se rétrécissait, les armes allemandes s’entassaient de plus en plus haut.
Les tas étaient de plus en plus nombreux, et de plus en plus rapprochés.
À cette date les troupes allemandes ne comptaient plus que
100 000 hommes. Les 230 000 autres avaient été tués ou faits prisonniers.
Voulez-vous que je vous donne une idée de l’importance de leurs pertes ? La
nuit qui a précédé l’offensive décisive je cherchais où me cacher jusqu’au
lendemain matin, afin de dormir un peu. De nombreuses positions
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