La bonne guerre
mutuellement en
dépit de la barrière linguistique qui les séparait.
« Aujourd’hui les hommes de la 69 e division
ont pu profiter du soleil sur les berges de l’Elbe. Sans ennemi devant eux ni
derrière eux, ils ont bus du vin, du cognac et de la vodka tout en regardant et
en écoutant leurs nouveaux amis soviétiques jouer de l’accordéon et chanter des
mélodies de leur pays.
« Si la journée d’aujourd’hui n’a pas été
exceptionnelle pour la plupart des Russes qui se trouvaient sur les bords de l’Elbe
à Torgau, c’est que les soldats soviétiques sont vraiment les types les plus
délirants et les plus insouciants que j’aie jamais rencontrés dans une armée. Comment
les décrire ? Comme des Américains, mais deux fois pire… On sent leur
exubérance, on sent tout ce monde nouveau qui s’ouvre à eux… C’est Andy Rooney
qui s’adresse à vous. »
Il y a un monument commémoratif à Torgau. Il doit bien faire
deux étages de haut. Il représente des Américains et des Russes en train de se
serrer la main. D’un côté flotte le drapeau américain, de l’autre le drapeau
soviétique. Il est bâti au milieu d’une grande pelouse, juste auprès du lit de
l’Elbe. Je suis vieux maintenant, et je voudrais qu’on m’enterre à Torgau.
Quand je vais sur le pont de Michigan Avenue, tous les 25
avril, sur les tracts que je distribue je dis toujours la même chose :
« Halte à la prolifération des armes atomiques. » Si un passant me
demande qui je suis, je lui raconte l’histoire de la jonction sur l’Elbe. Parce
qu’elle n’est pas reconnue. Ils sont généralement polis. Mais je ne suis plus
dans le coup. Je suis une espèce de fantôme. Mais je serai sur le pont le 25
avril prochain, si Dieu le veut. (Il rit.) J’espère que je tiendrai
jusque-là.
Joseph Polowsky est mort le 18 octobre 1983. Il a été
inhumé à Torgau le 25 novembre 1983.
Mikhaïl Nikolaevich
Alexeyev
C’est un écrivain russe, également rédacteur en chef d’une
revue. « Toute mon œuvre littéraire se rapporte à la guerre ou à la vie
paysanne. » Avec sa femme Galina Alexeyeva il a participé à une conférence
d’écrivains soviétiques et américains à Kiev en 1982. Au cours d’une pause ils
ont réfléchi à leurs expériences personnelles pendant la seconde guerre
mondiale, qu’ils appellent la grande guerre patriotique.
Malgré ses soixante cinq ans, il est encore assez
vigoureux. C’est un homme de taille moyenne, un peu lourd, comme on pourrait en
rencontrer dans n’importe quel bar d’un quartier d’immigrés aux Etats-Unis. Notre
interprète s’appelle Michael Kuzmenko. Il a vingt-deux ans.
Je suis né dans un village du district de Saratov, dans une
famille de paysans aux revenus moyens. À six ans j’ai commencé à travailler
dans les champs. Je suis allé à l’école normale mais je n’ai pas réussi à
devenir instituteur. Alors j’ai été enrôlé dans l’armée. Je suis resté dans l’armée
de 1938 à 1955. J’ai débuté comme deuxième classe et j’ai fini colonel.
J’ai commencé la guerre ici, sur le sol d’Ukraine, près de
la ville de Sumy. Quand les Allemands ont commencé à approcher de ces régions, j’étais
dans l’artillerie. Je faisais partie d’un détachement spécial sous le
commandement du général Chesnov. Cette formation a été envoyée au front. Sur le
territoire de Poltava, pas très loin de Kiev, j’ai participé à mes premiers
combats. C’était début juillet 41. Les Allemands étaient très près.
Les Allemands ont réussi à encercler nos troupes dans cette
région. J’ai été gravement blessé et envoyé à l’hôpital. Ensuite je suis allé
dans un hôpital en Ouzbékistan. En décembre 1941 on m’a envoyé rejoindre une
division qui venait d’être formée près de la ville de Tselinograd. Ne pas
confondre avec Stalingrad, ça n’a rien à voir avec Staline. Son nom vient du
mot « terres vierges ». On m’a ordonné de former une compagnie
chargée de mortiers mobiles de 82. En mars 1942 cette division était à Tula, près
de Moscou. Nous y sommes restés jusqu’en juillet de la même année. Les
Allemands étaient en pleine offensive dans le sud et ils avaient pris Kharkov. Ils
approchaient du Don, se dirigeant vers Stalingrad. Stalingrad se trouve à
quatre cents kilomètres de là, en direction de la Volga. C’était encore la
période des basses eaux.
À ce moment-là les Allemands étaient
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