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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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abandonnées par
les Allemands étaient sûres, mais impossible d’y trouver une place. Je ne
pouvais pas m’y installer parce que le sol était encombré de corps de soldats
allemands. Il y en avait partout, de grands tas dans les champs et dans les
tranchées. Impossible de trouver un petit coin de champ ou une petite place
dans une tranchée. Et puis les asticots pullulaient, à cause des cadavres. Et
les poux, vous ne pouvez pas savoir.
    J’ai aperçu une tranchée dans la neige. J’étais chaudement
vêtu alors j’y suis allé et j’ai buté contre quelque chose de très raide. Il
faisait très sombre, je ne pouvais donc pas voir ce que c’était. J’ai pensé que
c’était peut-être des sacs. Je me suis donc confortablement installé sur ces
sacs. À la lueur du matin, j’ai vu que j’avais dormi sur des cadavres de
soldats allemands.
    Les Allemands étaient des gens très ordonnés. Quand ils
découvraient qu’ils n’avaient pas le temps d’ensevelir leurs morts, ils les
alignaient soigneusement les uns à côté des autres. J’ai vu des rangées
parfaitement rectilignes pareilles à des stères de bûches. Je vous le garantis.
    Le plus étonnant c’est que je n’ai été ni surpris ni choqué
par cette découverte tellement je m’étais habitué à la mort. Maintenant lorsque
vous voyez un cadavre vous êtes mal à l’aise. À l’époque j’en voyais tellement
tous les jours que je m’y étais habitué.
    Ma compagnie se trouvait à environ trois cents mètres du
centre de la poche, le quartier général de Paulus. Nous progressions vers le
centre, mais malheureusement c’est un autre groupe qui a atteint ce quartier
général avant nous. Quand Paulus a été fait prisonnier, le 2 février 1943, toutes
les forces allemandes ont capitulé.
    Pendant des jours des colonnes de prisonniers allemands se
sont succédé. Elles faisaient des kilomètres de long. On croyait n’en voir
jamais la fin. Il faisait froid et ils étaient très très pauvrement habillés. Ils
s’étaient mis sur le dos tout ce qu’ils avaient pu trouver. Des hardes de
femmes, des châles, n’importe quoi. Ils étaient tenaillés par la faim. Ils
avaient mangé tous les chevaux de la cavalerie roumaine. Il ne restait plus un
cheval. Ils n’avaient pas pu être ravitaillés parce qu’il n’y avait pas de
population locale. Ou si peu. Les gens de la région avaient presque tous péri
au cours des bombardements allemands. Les autres avaient été évacués à l’approche
des Allemands. Nous avons découvert quelques enfants qui se cachaient dans
Stalingrad.
    Les Allemands ont commis une erreur tactique et stratégique.
Leurs meilleures forces étaient concentrées dans la ville. Au cours des combats
de rue ils dispersaient leurs forces. Leurs flancs étaient exposés, parce que
les forces roumaines et hongroises étaient moins bien équipées. Nous nous
sommes concentrés sur ces flancs et nous avons réussi notre brèche.
    Quand cette bataille a débuté les Allemands disaient que les
Russes se rendraient en quelques jours. Puis ç’a été quelques mois… Des années
après Stalingrad on m’a raconté que sous les décombres d’une maison on avait
trouvé des sacs pleins de lettres de soldats allemands. Ils n’avaient pas eu le
temps d’envoyer ces lettres. Dans les premières ils disaient qu’ils étaient
sûrs de prendre Stalingrad en quelques jours. Ils étaient très optimistes. Leur
joie transparaissait.
    Je tiens à dire la vérité. Pendant notre retraite nous
étions très amers et très tristes. Mais nous n’avions pas le droit de l’écrire
à nos familles. Une fois, j’ai envoyé une lettre chez moi, et j’y ai glissé un
brin d’herbe. Une herbe qui avait une odeur particulière, une odeur amère. Ainsi
quand ma famille a reçu la lettre, ils ont compris toute l’amertume que je
ressentais. N’oubliez pas que lorsque nous avons encerclé Stalingrad nos pertes
ont également été très lourdes.
    Nous étions très exaltés quand les combats ont effectivement
eu lieu. Mais ensuite, ces files de misérables prisonniers allemands qui
passaient devant nous faisaient peine à voir. Nous nous rendions compte que ces
hommes avaient des familles, des amis, et qu’ils avaient tous été trompés par
Hitler.
    Je n’oublierai jamais l’accueil que m’ont réservé ces
anciens prisonniers de guerre quand je me suis rendu pour la première fois en
Allemagne de l’Ouest, en 1965. C’était au

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