La bonne guerre
directement responsable d’une grande part des difficultés
que j’ai rencontrées. Je n’étais absolument pas militariste au moment où je
suis entré dans l’armée. Je crois même n’avoir jamais vu un officier américain
en uniforme avant les quelques mois qui ont précédé la guerre, excepté le 4 juillet
pour notre fête nationale. Après Pearl Harbor, tous les officiers de Washington
ont dû porter leur uniforme. On ne voyait plus que ça. Il n’y avait pas moins
militaristes que les gens de ma génération. Les militaires semblaient
appartenir à un autre monde.
Pendant toutes ces années – l’époque de la normalité du
président Harding, le boom économique, la Crise – l’armée comptait moins de
cent mille hommes. Elle ne faisait tout simplement pas partie d’une vie humaine
normale. Le Pentagone n’existait pas encore. Le budget militaire était bien sûr
beaucoup moins important. La guerre a gonflé tout cela, et l’armée est devenue
l’élément essentiel de nos vies. Après la seconde guerre mondiale le poids des
militaires est devenu considérable.
J’ai terminé mes études de droit à Harvard, au plus
profond de la Crise, au moment de l’instauration du New Deal. Au lieu d’aller à
Wall Street, je suis allé à Washington. Quand la guerre a débuté j’étais avocat-conseil
auprès de la Commission fédérale des communications.
Je suis entré dans l’armée en 1942. À la fin de la guerre,
Jackson a donné aux départements d’État à la Guerre et à la Marine une liste d’avocats
qu’il connaissait, et dont il souhaitait la présence aux procès. Je n’ai donc
pas choisi d’aller à Nuremberg. »
Le tribunal qui a jugé le premier procès de Nuremberg a été
mis sur pied pendant l’été 1945, avant la fin de la guerre au Japon. Un accord
avait été conclu à San Francisco, en même temps qu’était acceptée la charte des
Nations unies. Nuremberg est en fait le jumeau de l’organisation des Nations
unies. Ils sont nés en même temps, au même endroit, dans le même but : maintenir
la paix.
L’idée était la suivante : en punissant l’agression, qui
devenait un crime au regard de la loi internationale, on préservait la paix. (Sèchement.) Ça n’a guère fonctionné comme ça. Les quatre grandes puissances se sont
rencontrées à Londres et ont signé la charte de Londres, qui assurait la mise
en place du tribunal.
Le premier procès a été quadripartite. Les juges et les
procureurs venaient de France, d’Angleterre, d’Union soviétique et des
États-Unis. Les douze autres procès ont été exclusivement confiés à des juges, procureurs
et avocats américains. Les autres pays tenaient leurs propres procès dans leurs
zones d’occupation respectives.
Ce tribunal international a été mis en place non seulement
afin d’examiner les crimes de guerre classiques et les atrocités, mais aussi l’idée
nouvelle que l’agression est un crime. Une offensive préméditée. Jackson et
Henry Stimson, qui était alors secrétaire d’Etat à la Guerre, considéraient ce
point comme essentiel.
Ceux qui étaient poursuivis ne s’étaient pas
nécessairement trouvés sur les lieux du crime.
Pour la plupart il s’agissait d’officiels qui soit avaient
donné des ordres, soit en étaient responsables. Ou bien qui les avaient
transmis en toute connaissance de cause.
De ce point de vue il y a d’ailleurs une différence très
nette entre le procès de Tojo et des autres à Tokyo, et le procès de Nuremberg.
La plupart des crimes de guerre commis par les Japonais n’étaient pas le
résultat d’ordres émanant de Tokyo. Tout dépendait bien davantage du commandant
local, qui pouvait être un salaud ou un homme très bien. Ma première femme venait
d’une famille de missionnaires, et de nombreux membres de sa famille ont été
emprisonnés dans des camps japonais. Le traitement qu’ils ont reçu a été très
variable d’un camp à l’autre. Le comportement des troupes japonaises dans les
villes qu’elles prenaient variait également beaucoup. Il ne dépendait nullement
d’ordres venus d’en haut.
Bien entendu, l’attaque de Pearl Harbor avait été planifiée
par le haut commandement. C’était une entreprise nationale. Mais le
comportement vis-à-vis des populations occupées et le traitement qu’elles
recevaient étaient une question de commandement local.
Le tribunal d’Extrême-Orient, comme on appelait le procès de
Tokyo, a été
Weitere Kostenlose Bücher