La bonne guerre
Camp Wheeler :
enseignement de la guerre chimique. Mon copain a été envoyé aux services de
santé pour plier le linge. Plus tard ce type est devenu capitaine, il a été
décoré durant l’invasion de l’Allemagne, il est enterré à Arlington, et pendant
un an ils lui ont fait plier le linge à Colombus, en Géorgie.
Je m’occupais donc d’un groupe auquel je faisais renifler un
petit coup d’ypérite par-ci, un petit coup de chlore par-là, ou des bombes au
phosphore. Je les entraînais à utiliser leurs masques à gaz dans des chambres à
gaz lacrymogènes. Comme le lieutenant-colonel m’aimait bien, il m’a promu
sergent d’état-major. Il m’a demandé ce que je voulais faire, et je lui ai dit
que je voulais partir combattre. Lui aussi il aurait bien aimé, mais il avait
dépassé la limite d’âge. Sa femme était espagnole, et il était pro républicain,
de sorte qu’il faisait vraiment tout pour m’aider. Je lui ai dit : « Ne
vous donnez pas toute cette peine, envoyez-moi tout simplement en Europe. »
Il a appris qu’on avait besoin de sous-officiers en Angleterre, et il m’a donc
fait transférer dans les cadres de l’infanterie, là-bas.
J’ai été envoyé à Camp Shenango en Pennsylvanie. Mon
sergent-chef avait été avec moi à l’école d’élèves officiers, et il s’était
fait recaler à l’examen. Il était content de me voir, car moi qui étais
toujours dans les dix premiers de la classe, je me retrouvais sergent d’état-major,
ce qui signifiait que moi aussi je m’étais fait coller.
Alors ça le consolait. À chaque lois qu’ils arrivaient, il me
montrait les ordres de départ avec les affectations, et un jour j’ai vu :
« Sergent Milton Wolff : îles Aléoutiennes. » Je ne voulais pas
aller dans les Aléoutiennes, moi ! (Il rit.) Je voulais être sur le
théâtre européen. Et puis après avoir piaffé d’impatience pendant des semaines
à attendre j’en ai eu marre, alors je leur ai dit : « D’accord, je
pars là-bas. » Quand je suis arrivé à Fort Lawton, à Seattle, Attu venait
de tomber, et ils n’avaient plus besoin de renforts dans les Aléoutiennes.
Comme je ne connaissais rien aux bateaux, ils m’ont nommé
second maître sur un bateau de sauvetage (il rit), pour repêcher les
pilotes abattus au-dessus du Pacifique nord. Ce n’était pas non plus mon truc, et
j’ai fait des pieds et des mains pour aller sur le front : un rude combat.
Naturellement, là-bas, on faisait ce qu’on voulait. La pire
sanction c’était d’être envoyé en Europe ou sur le front du Pacifique. Le
sergent-chef se trouvant dans la même situation que moi, à chaque fois qu’ils
nous menaçaient de nous envoyer en Europe on leur disait que c’était justement
ce qu’on attendait. Un autre sergent-chef qui savait ce qu’on avait fait en
Espagne, et qui était vraiment sympa, nous a dit : « Si c’est en
Angleterre que vous voulez aller, ça tombe bien, c’est là que je vais. »
Et pour suivre son unité il a fallu que je me fasse rétrograder au rang de
deuxième classe.
Le jour de mon transfert on l’a envoyé en Alaska. À sa place
ils ont nommé un gars de la régulière pas du tout sympa. (Il rit.) Puisque
nous allions en Angleterre, je m’en fichais. En fait nous sommes allés en
Afrique du Nord. Alors j’ai contacté Donovan pour lui demander de me reprendre.
Un avion est venu me chercher en Afrique du Nord, mais le temps qu’il arrive
nous étions déjà en route pour l’Inde.
Notre unité était répartie sur deux caboteurs, de vraies
boîtes de conserve, des cargos anglais qui avaient servi au transport du thé et
dont la coque était aussi fine que du papier à cigarettes. Un de nos deux
bateaux, celui sur lequel je n’étais pas, a été touché par une torpille qui
avait dû être lancée à partir d’une île de la Méditerranée tombée aux mains des
nazis, et huit cents hommes ont disparu dans les nappes de pétrole, rien que
des soldats américains.
Je suis finalement arrivé sans encombre à Calcutta. Un jour
j’ai croisé un GI avec un galon bleu sur son calot de fantassin, alors je l’ai
interpellé : « Qu’est-ce que vous fichez là ? » Il m’a
répondu qu’ils étaient là avec Stilwell, qu’ils travaillaient en liaison avec l’armée
chinoise, et qu’ils s’apprêtaient à partir en Birmanie.
C’est précisément à ce moment-là que l’inspecteur général
des armées est venu voir notre
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