Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
Vom Netzwerk:
libérien. Je pouvais donc enfin quitter l’Allemagne, car pour la
première fois, grâce à ce passeport, je faisais partie des Alliés. Je m’étais
toujours senti de leur côté au fond de moi-même, mais maintenant j’avais les
papiers adéquats.
    Ma plus grande déception quand je pense à tous ceux qui ont
souffert du régime nazi, c’est de voir avec quelle indulgence les Alliés ont
traité les nazis. Nous étions persuadés que l’occupation serait suivie d’un bon
nettoyage. Que les Anglais et les Américains viendraient, comme l’avaient fait
les Russes, et que la première chose qu’ils feraient serait d’arrêter tous les
gens soupçonnés d’avoir collaboré avec les nazis. Et qu’ils s’assureraient que
ceux qui avaient été au pouvoir n’y reviendraient pas. Il s’est passé
exactement le contraire : en un rien de temps tous ces gens qui nous avaient
terrorisés avaient de nouveau retrouvé leurs postes. Tous ces miliciens, ces
responsables de quartiers, ces Gruppenführer, tous ces anciens
fonctionnaires étaient de nouveau en place. Beaucoup de mes amis ont été
tellement déçus qu’ils ont quitté l’Allemagne. Pendant la guerre j’avais
travaillé sous les ordres d’une espèce de brute de nazi dans une usine de
caoutchouc, et ce type s’est retrouvé au même poste dans la même usine. Et c’était
partout comme ça.
    Il y avait aussi un autre phénomène : l’évanouissement
des nazis. On voyait des photos de milliers de personnes en train de crier : « Heil Hitler  », et quand vous demandiez à quelqu’un s’il
avait été nazi, il vous répondait invariablement : « Oh non, pas moi. »
À peu près tous ces fonctionnaires retrouvaient leurs anciens postes.
    Je crois que dans ce domaine ce sont les Américains qui ont
été les pires. Ils ont volontiers fraternisé. Tous les hauts gradés américains
qui sont arrivés avec l’intention évidente d’arrondir les angles ont tout de
suite fait copain-copain avec ces anciens nazis.
    Je crois que c’était la volonté de Washington : mieux
vaut traiter avec les nazis et les mettre de son côté. Et on ne pousse pas trop
sur la dénazification. On laisse les choses se faire, mais on regarde où on met
les pieds, on pourrait avoir besoin d’eux.

…et science sans
conscience…

Philip Morrison
    À l’époque il se racontait que l’armée courtisait les
physiciens et leur disait : « Nous allons faire de vous des gens
riches et célèbres, en vous offrant la chance exceptionnelle de mettre au point
la plus grande explosion jamais réalisée, la seule chose qu’on vous demande, c’est
d’oublier que vous allez fabriquer une bombe capable de tuer une masse énorme
de gens. » Pacte faustien.
    Ça ne s’est pas du tout passé ainsi, personne n’a rien
compris : c’est nous qui sommes allés trouver les militaires. Ce que je
veux dire c’est que ce sont les scientifiques, Einstein le pacifiste en tête, qui
sont allés frapper à leur porte pour leur dire : « Si vous ne nous
laissez pas mettre cette arme au point, on va perdre la guerre. » Après ça
on n’a plus arrêté. Ce n’étaient pas des semaines de quarante mais de
soixante-dix heures que je faisais. Le soir je veillais pour pouvoir réfléchir,
le matin, dès que je me réveillais, je me remettais à réfléchir. Et tous mes
amis faisaient comme moi. Que pouvons-nous bien faire pour cette guerre ? Les
physiciens ont inventé la bombe.
    Son bureau au Massachusetts Institute of Technology
reflète l’incroyable étendue de ses centres d’intérêts et de ses goûts. Sur le
sol, devant la fenêtre, sur son bureau s’en hissent pèle mêle des montagnes de
livres, de revues, de thèses. Il va sans aucun doute en écrire la critique ou
le commentaire. Les sujets traités vont de la physique théorique, dont il s’est
« éloigné, il y a déjà une vingtaine d’années », à l’astronomie dont
il s’occupe toujours. « En fait, maintenant, je suis astronome. »
    Pendant la guerre j’étais spécialiste de physique nucléaire.
En fait j’étais ingénieur, et nous fabriquions des armes.
    Avant la guerre, à Berkeley, en Californie, j’écoutais les
discours de Hitler à la radio, retransmis de Nuremberg, au milieu de la nuit. J’étais
élève d’Oppenheimer et mes amis étaient en Espagne : d’ailleurs la guerre
d’Espagne m’a paru beaucoup plus concrète que la seconde guerre mondiale. Je
connais plus de personnes

Weitere Kostenlose Bücher