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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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qui ont trouvé la mort en Espagne que pendant la
guerre mondiale. Nous avons senti qu’il s’agissait d’un prélude à la guerre en
Europe. Si la guerre d’Espagne avait été stoppée à temps, si on avait empêché
les Allemands et les Italiens d’aider Franco, une guerre mondiale aurait pu
être évitée. C’était du moins ce que nous pensions.
    Tout a vraiment commencé pour nous vers la fin décembre 38, juste
après Munich. Nous avons reçu une communication en allemand, par Hahn et
Strassmann. Cette étrange communication montrait que l’uranium pouvait être
transformé en baryum. Et avant même que nous ayons vraiment compris de quoi il
s’agissait, nous avons entendu dire qu’en Suède Robert Frisch et Lise Meitner
maîtrisaient la chose. Frisch m’a lui-même raconté l’histoire. Lise Meitner
était sa tante, et ils étaient partis se promener dans les bois. Ils s’étaient
assis sur un tronc d’arbre. Lui avait fait un petit dessin sur le sol, et elle
avait dit : « À mon avis, c’est comme ça que ça se passe », et
elle avait fait son petit dessin. Ils ne comprenaient pas ce que représentaient
leurs dessins respectifs. Et soudain, au même instant, ils se sont aperçus qu’ils
avaient dessiné exactement la même chose vue sous deux angles différents :
l’atome d’uranium se divisait en deux. Trois jours plus tard ils avaient
baptisé ce phénomène : fission. Vers la mi-janvier tout le monde avait
compris de quoi il s’agissait.
    Nous, les étudiants d’Oppenheimer, nous dessinions sur les
tableaux toutes sortes de schémas ahurissants de bombes atomiques. Nous n’y
connaissions pas grand-chose. Un an plus tardj’écrivais
un article qui n’a pas été publié, car personne ne semblait s’intéresser à la
physique.
    Léo Szilard était bien en avance sur nous, il avait eu cette
idée cinq ans avant tout le monde. Réfugié hongrois, il était encore en Europe
à l’époque. Il avait cru comprendre qu’à partir de la fission on pourrait
provoquer une réaction en chaîne. Et pendant quatre ou cinq ans il a fait le tour
de l’Europe pour essayer d’attirer l’attention des gens sur son idée, toujours
en quête d’un centre où il pourrait mener ses recherches. On le connaissait
comme l’espèce de fou qui veut faire de l’énergie à partir de l’atome. Il ne
pensait d’ailleurs pas vraiment à la bombe à l’époque, il voyait surtout la
source d’énergie. C’était devenu un personnage folklorique.
    Il est venu aux États-Unis voir Enrico Fermi qui venait d’arriver
d’Italie. Il a essayé de le convaincre de travailler là-dessus. Ensuite Szilard
et Wigner ont persuadé Einstein d’écrire cette lettre à Roosevelt : les
Allemands sont en avance sur nous pour la bombe. Laissez-nous faire quelque
chose. Ils n’étaient pas très bien renseignés sur l’Allemagne, mais ce qu’on
leur avait dit leur paraissait plausible. Cela se passait à l’automne 39. La
guerre avait déjà éclaté. Avec la chute de la France en 40, nous étions déjà
sur le pied de guerre.
    Je cherchais un emploi et je me suis rendu à Chicago. Fermi
m’a engagé le lendemain de la première réaction en chaîne, qui a été réalisée
le 2 décembre 1942.
    Pendant un an j’avais travaillé pour l’armement à l’université
d’Illinois. Il n’y avait pas un seul physicien valide qui ne fût en train de
travailler pour l’armement. La physique avait été entièrement réquisitionnée. Les
États-Unis n’étaient pas encore entrés en guerre mais tout le monde la
préparait. Après Pearl Harbor le campus a été immédiatement mobilisé. Il a
fallu faire des cours accélérés, les étudiants étaient en uniforme, ils
marchaient au pas en chantant Sixpence pour aller en cours. J’étais fou
de joie car j’étais antinazi depuis déjà longtemps, et la guerre que j’attendais
et redoutais tant arrivait enfin. Je me suis spontanément et naïvement trouvé
emporté dans cette terrible guerre qui était notre grande croisade.
    J’étais chef d’îlot à l’université : pendant les
exercices, je passais mon temps sur les toits de la faculté de physique avec
mon seau de sable pour éteindre les bombes incendiaires. Nous avions même
imaginé que les Allemands pourraient envoyer un avion jusqu’à Hudson Bay pour
essayer de bombarder Chicago. Mais ils auraient loupé Chicago car le couvre-feu
avait été instauré. En revanche ils auraient peut-être eu Urbana

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