Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
Vom Netzwerk:
j’allais nettement mieux. Je suis allé
travailler dans une ferme où on cultivait des patates douces, des concombres, des
courges et d’autres légumes locaux. On était mieux nourris et j’ai repris du
poids. On avait même de la viande. De temps à autre, ils tuaient un karbau, et
ils nous faisaient du bouillon.
    En juin 44 ils sont revenus chercher de la main-d’œuvre pour
le Japon. J’étais volontaire pour partir. Je suis allé trouver un copain de
Chicago, Bob, et je lui ai dit : « Allez, on se barre de ce merdier. »
On avait entendu des bruits, nos troupes avançaient et avaient déjà repris
quelques îles. Vers le sud, Guadalcanal et tout ça. Et quand ils allaient
arriver, ils n’allaient pas se pointer comme un corps de ballet, ils allaient
débouler en masse et tirer dans le tas. Ils ne pourraient pas se permettre de
faire dans le détail. Ils risquaient de nous bombarder ou de nous descendre.
    On est donc partis au Japon et on a eu la chance de le faire
au bon moment. Le bateau qui est parti juste après le nôtre, avec encore seize
cents hommes à bord, a été torpillé par un de nos sous-marins. Ils se sont tous
noyés. On a perdu pas loin de cinq mille hommes sur des cargos torpillés par la
US Navy. Rien n’indiquait que les bateaux transportaient des prisonniers, et
notre marine ne pouvait pas le savoir.
    C’était un vieux cargo tout rouillé et plein de vermine. Ça
puait là-dedans comme ce n’est pas permis. On a mis soixante jours pour aller
de Manille à Moji au Japon. On s’est arrêtés deux semaines à Formose pour
charger une cargaison de sel, c’était tout ce qu’il y avait comme lest.
    On travaillait dans une mine de charbon à Omuta, à environ
quarante kilomètres de Nagasaki, de l’autre côté de la baie. À notre grand
étonnement, nos quartiers étaient très bien. La nourriture était excellente. En
fait ça veut dire qu’on avait des légumes dans la soupe. Une fois, on a même eu
de la brioche. Pendant les soixante jours de la traversée on n’avait rien eu d’autre
que du riz charançonné. On mangeait tout en se disant que ça nous faisait des
protéines. À l’arrivée, ils nous ont mis en quarantaine parce qu’on était
plutôt en triste état après soixante jours avec nos deux petites portions de
riz quotidiennes. Ils ont décidé qu’on avait besoin de repos et qu’il fallait
qu’on mange un peu plus pour pouvoir travailler dans les mines.
    Les mines appartenaient au comte Mitsui, le célèbre
industriel. En fait, c’était pour lui qu’on travaillait. En plus de nous, il y
avait des prisonniers coréens. Notre encadrement japonais était composé de
types que nous, on aurait classés, 4F, c’est-à-dire soit trop vieux, soit un
peu mal foutus. On était entre six et huit pour un surveillant japonais.
    Il y avait des Japs sympas là-bas. Parmi les vieux surtout. Mais
dans leur majorité, ils ne pouvaient pas supporter de lever les yeux vers un
Américain bien plus grand qu’eux. Ils avaient horreur de ça. Je me suis fait
tabasser plusieurs fois parce que je ne comprenais pas ce qu’ils me demandaient.
Ils nous ont donné des cours. Un Jap nous montrait une pelle, ou une pioche par
exemple, et il disait le mot japonais. Il fallait se souvenir de tout ça. Le
premier jour à la mine, un surveillant m’a parlé et je n’ai rien compris. Alors
il m’est tombé dessus à bras raccourcis, ça a dû le soulager, je suppose.
    De temps en temps, on rencontrait un Jap sympa. Ceux-là, on
les connaissait vite. Parce que dans l’équipe de Fuji-san ou d’Okamoto-san, ça
allait. Ils vous laissaient vous asseoir et vous reposer. Une fois, à la fin de
la journée, j’attendais le petit train qui devait venir chercher notre équipe. J’étais
appuyé contre la paroi, ma casquette sur les yeux pour essayer de me reposer un
peu. J’ai entendu le type à côté de moi dire : « Nom de Dieu, je
voudrais bien être de retour à Seattle. » Je n’ai pas bronché. Les types
parlaient toujours du jour où ils rentreraient chez eux. Il a continué :
« J’avais un chouette petit restaurant là-bas, et j’ai tout perdu. »
Je l’ai regardé, c’était un Japonais. C’était un de nos contremaîtres. Ça m’a
scié.
    Il m’a dit : « Surtout ne me parle pas. Laisse-moi
parler. » Il parlait du coin des lèvres. « Je suis né à Seattle, et j’y
ai été élevé. J’avais un chouette restaurant là-bas. J’ai ramené ma mère

Weitere Kostenlose Bücher