La bonne guerre
au
Japon parce qu’elle était vieille, et comme elle sentait qu’elle allait mourir,
elle voulait rentrer au pays. La guerre a éclaté, et je n’ai pas pu retourner
aux États-Unis. Ils m’ont envoyé ici, dans les mines de charbon. » Je ne
savais vraiment pas quoi lui répondre. Finalement, le train est arrivé, et je
lui ai dit : « Bon, allez, à un de ces jours à Seattle. » Je
suis parti. Je ne l’ai plus jamais revu.
Un de nos officiers japonais avait vécu et était né à
Riverside en Californie. Il était lanceur dans l’équipe de base-ball de son
université. C’était l’interprète en chef. C’était un sale mec. Il passait son
temps à nous espionner dans le noir, et quand ce qu’on racontait ne lui
plaisait pas il nous dénonçait.
Notre camp était un des pires. Les deux commandants du camp
et deux des gardes ont été condamnés et exécutés comme criminels de guerre à
cause du traitement qu’ils infligeaient aux prisonniers.
J’ai maigri de vingt-cinq kilos pendant la guerre. Une fois,
j’ai attrapé une double pneumonie. Ce truc-là, il n’y en a pas beaucoup qui en
réchappaient. Le docteur me donnait pour perdu, et il n’en revenait pas quand
je m’en suis sorti. Je ne m’en étais pas plutôt débarrassé que je me suis
encore retrouvé avec le béribéri. Et j’ai enflé. C’est ce que j’ai eu de pire. J’étais
aussi gros qu’un morse. Je ne pouvais pas remuer. Pour faire mes besoins, il
fallait qu’ils me fassent rouler sur le côté, qu’ils glissent le bassin contre
mes fesses et qu’ils me nettoient après. Mes mains étaient tellementenflées que si on appuyait dessus, ça laissait un gros trou.
Ils ont dû m’arranger un lit exprès.
Le boulot qu’on nous faisait faire était contraire à la
convention de Genève. Les prisonniers ne devaient pas être utilisés pour tout
ce qui pouvait aider à la fabrication de matériel de guerre ennemi.
Puis on a vu les B29 qui montaient sur Tokyo. Ils
bombardaient systématiquement toutes les villes. Ils ont bombardé la nôtre. Complètement
brûlée. C’était quand j’étais à l’hôpital avec le béribéri. J’avais été un des
rares à ne pas pouvoir aller dans l’abri parce qu’on ne pouvait pas me déplacer.
Par la fenêtre, je regardais les B29 approcher l’un après l’autre et lâcher
leurs bombes incendiaires.
Quand les Japs sont devenus nerveux, on a compris que ça
devenait vraiment sérieux, que nos troupes leur en faisaient voir. On savait ce
qui se passait par ce que nous racontaient les quelques gardes sympas : Tokyo
était nai. Plus de Tokyo.
Un jour, j’ai compris qu’ils étaient vraiment tout près. J’étais
assis, j’avais posé ma casquette, et je lézardais tranquillement au soleil. On
allait relever l’autre équipe, et il faisait beau. Ça ne nous arrivait pas si
souvent d’en profiter. C’était tellement agréable. Tout à coup, deux avions ont
surgi, ont lâché deux bombes juste en bordure du camp, puis ont disparu. Des
gars ont commencé à crier : « Ce sont les nôtres ! » J’ai
détalé aussitôt. Nom de Dieu, je les ai vus faire demi-tour et revenir nous
mitrailler. Ils ont touché un des angles de l’hôpital. Ils ne pouvaient pas
savoir que c’était un hôpital. Ils en avaient après une DCA.
Ce qui était formidable, c’est que c’étaient des chasseurs. Il
fallait donc qu’ils soient vachement près. Pour envoyer des chasseurs, il ne
fallait pas qu’ils soient à plus de cinq cents kilomètres. C’était fantastique !
Ils étaient là ! C’était comme d’être au restaurant et de pouvoir
commander enfin tout ce qu’on voulait.
Il me semble que c’est le 9 août qu’ils ont lâché la bombe
atomique sur Nagasaki. On était à une quarantaine de kilomètres. Il n’y avait
que la baie qui nous en séparait, aucun obstacle. Ils l’ont lâchée vers dix
heures. J’ai senti toutes les fenêtres vibrer. Les bâtiments ont été
entièrement ébranlés. Mais ça faisait toujours ça quand il y avait de gros
bombardements sur Nagasaki. Seulement cette fois-là quand on s’est retournés, on
a vu cet énorme champignon s’élever dans les airs.
On ne savait pas pour Hiroshima. Tout le monde disait qu’ils
avaient dû toucher une raffinerie de pétrole pour que ça fasse autant de fumée.
Les vents dominants étaient des vents d’ouest, et on était en plein sous le
vent de Nagasaki. Je ne sais pas s’il y a eu des retombées
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