La bonne guerre
d’être quoi que ce soit. Je n’ai même jamais pensé que j’étais
pacifiste. Mais quand on me questionnait, c’était plus facile d’expliquer avec
ces mots-là.
On avait de vieux amis qui faisaient presque partie de la
famille. On fêtait Noël, Thanksgiving et les anniversaires ensemble. Des amis
de longue date, j’avais grandi avec leurs enfants. Quand ils ont su que j’étais
objecteur de conscience ils m’ont dit : « Ne viens plus nous voir, ce
n’est pas la peine d’essayer. Ne viens pas embêter notre fils ou notre fille. On
ne veut plus te revoir, c’est fini. » Ils ne voulaient pas que je déteigne
sur eux. C’est comme si j’avais eu une terrible maladie et que le fait de me
connaître pouvait les mettre en danger. Comme d’être juif en Allemagne ou
japonais sur la côte ouest des États-Unis. (Il rit.)
Ma mère ne comprenait pas ce que je faisais, ni pourquoi. Quand
je suis revenu du bureau de recrutement, et que je lui ai dit qu’il n’était pas
question que je me plie à leurs exigences, elle m’a demandé : « Qui
est-ce qui t’a dit de répondre ça ? » Comme j’avais toujours été
opposé tout le côté conventionnel de la religion, que j’avais refusé de
continuer à aller à l’école du dimanche et que je haïssais les évangélistes de
carrefour, je lui ai répliqué : « C’est Dieu qui me l’a dit. »
Ça l’a rendue tellement malade qu’elle est restée trois jours au lit après ça.
Mon père, c’était différent. Vous savez, il aidait le
gouvernement américain à envoyer du matériel en Europe pour la guerre. Il était
bénévole à Washington. Il était bien disposé envers moi mais pas envers ce que
je faisais. Il me disait : « John, tu te heurtes à un mur. Ça ne t’apportera
rien. Je n’essaierai pas de te dissuader de faire ça. Je veux que tu saches que
si je peux faire quoi que ce soit pour toi je le ferai. » Ç’a été la chose
la plus agréable que j’aie jamais entendue. Il a fait ce qu’il a pu. Il était
en contact avec les prisons, les gardiens, tout le monde.
Quand on m’a envoyé de camp en prison et que j’ai eu une
autorisation de sortie sur parole, je suis rentré à la maison. Un soir je me promenais
avec mon père après le dîner comme c’était notre habitude auparavant. Je lui ai
dit : « Tu sais, papa, j’ai tout à fait conscience de ce que ça a dû
représenter pour vous d’annoncer à vos amis que votre fils était en prison
parce qu’il était objecteur de conscience. Je suis désolé. » Il s’est
retourné vers moi et il m’a dit : « Tu n’as pas à t’excuser. Si tu
savais ce qu’ont fait tes ancêtres, tu serais étonné. » Pour la première
fois de ma vie j’ai découvert que mon arrière-arrière-grand-père avait
notamment traité un Noir comme son égal en plein Sud esclavagiste.
Mon frère aîné a fait tout ce qu’il a pu pour entrer dans l’armée.
Il a essayé tous les trucs possibles. Ils ne voulaient pas de lui parce qu’il
était trop petit et trop maigre. C’était un petit mariolle. Quand j’étais au
secret à la maison d’arrêt mon frère m’a écrit de Los Alamos. Il travaillait à
quelque chose qui allait raccourcir la guerre et sauver des vies. Plus tard j’ai
entendu dire qu’il y avait eu une bombe sur Hiroshima et sur Nagasaki. C’était
à ça que travaillait mon frère pour raccourcir la guerre et sauver des vies. (Il
rit.)
Ma sœur a épousé un militaire qui était aussi joueur de
tennis classé. Il a passé toute la guerre à jouer au tennis un peu partout dans
le Pacifique. Ma sœur n’appréciait pas du tout ma position et me prenait pour
un fou.
La mère de mon meilleur ami, qui vivait en bas de notre rue,
me soutenait. Elle aurait aimé que ses quatre fils soient objecteurs de
conscience. Mais eux ne voulaient pas. (Il rit.) J’avais un autre ami, un
artiste. Il n’aimait pas le mot « objecteur ». Moi non plus d’ailleurs.
Il m’a démontré que faire respecter ses droits c’était très bien. Alors j’ai
essayé de convaincre un maximum de personnes de quitter le service de sélection.
Les quakers étaient pour l’objection de conscience, mais ils
avaient leurs propres critères. Les différents groupes religieux avaient leurs
exigences, auxquelles il fallait se plier. Du jour où je me suis retrouvé
là-bas, j’ai commencé à faire des histoires.
J’ai quitté le camp pour l’hôpital Huntington Mémorial
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