La bonne guerre
Japs touchaient à un seul de
ses cheveux il nous le ferait payer. Il voulait savoir tout de suite si on
avait l’intention d’obéir au règlement et de filer droit, ou s’il fallait qu’il
fasse appel à ses gardes pour nous faire comprendre. L’un après l’autre on a
tous dit qu’on n’avait pas l’intention d’obéir à un ordre quelconque. Et on a
commencé à introduire quelques changements dans la prison.
On nous avait isolés. Nous n’étions pas dans le même
bâtiment que les autres prisonniers. Nous mangions dans une autre partie du
réfectoire. Quand nous étions de promenade, il n’y avait personne d’autre que
nous dans la cour. Quand, par hasard, nous allions à la bibliothèque, nous y
étions seuls.
Ils avaient conscience qu’on répandait un poison. Ça
commençait à se savoir, alors ils nous ont séparés. Ils m’ont envoyé à El Reno,
dans l’Oklahoma. J’ai réussi à passer une lettre à l’extérieur, que j’ai
laissée sur un banc de gare où j’étais assis avec mes menottes à attendre le
train.
Dès mon arrivée j’ai expliqué au directeur d’El Reno :
« Si vous avez l’intention de me faire changer d’avis, d’attitude ou de
comportement, il faudra d’abord que vous m’expliquiez pourquoi on m’a mis ici
avec tous ces types condamnés pour meurtre, alors que moi j’ai justement refusé
de devenir un assassin. »
Qu’a-t-il dit ?
Rien.
J’étais au secret la plupart du temps. Ils m’ont demandé :
« Qu’est-ce que tu veux faire en prison ? » Je leur ai dit :
« J’aimerais écrire un bouquin sur la vie en prison. – On n’a pas ce genre
de boulot à t’offrir. Tu as le choix entre la blanchisserie et la cuisine, ou
alors tu peux aller travailler dans les champs. » Je ne voulais pas travailler.
Quand j’étais au secret, un employé de la prison, responsable du fichier du
service de sélection, a été mobilisé. Il fallait que quelqu’un d’autre fasse ce
boulot. Le directeur m’a dit : « Tu es le seul à qui je puisse faire
confiance. Parce que celui qui sait tout ce que nos pensionnaires ont fait – et
c’est dans ces fichiers – devient la personne la plus puissante de la prison. »
Je lui ai dit : « Non, je ne veux pas, parce que travailler pour vous,
ça revient à travailler pour le service de sélection. – Je ne te demande pas de
faire quelque chose. Je te demande seulement d’être là. » J’ai répondu :
« D’accord. » Et je suis resté là. Ç’a été la seule fois où je me
suis soumis au système carcéral.
Il a vraiment fallu que j’apprenne à vivre entre quatre murs,
avec rien qu’un lit, un WC, un lavabo, une petite table et une lampe de 40 W. Les
fenêtres étaient peintes ; je les touchais pour me faire une idée du temps.
En montant sur le lit je pouvais communiquer par les conduits d’aération du
plafond avec les autres prisonniers. Je dansais. Je chantais. Je faisais du
yoga.
Je me cachais sous le lit quand les gardiens faisaient leur
ronde et qu’ils regardaient par l’œilleton. Quand ils ne me trouvaient pas ils
entraient, ils me cherchaient. Il s’est évadé ! (Il rit.) Ça leur
fichait vraiment la trouille. Quand ils avaient ouvert la porte, je sortais. Je
commençais à me balader, à rendre visite à des prisonniers que je n’avais
encore jamais vus. Le gardien sifflait et deux ou trois de ses acolytes rappliquaient
pour me ramener à ma cellule. Ils ne s’y sont pas amusés trop souvent.
J’avais été dans trois prisons fédérales, et à chaque fois j’avais
fait des histoires. Quand ils m’ont accompagné à la gare ils m’ont dit :
« Ne reviens pas. On ne veut plus jamais te revoir. » On m’avait
libéré sur parole pour que je puisse aller travailler dans un hôpital de l’État
de New York. Il fallait que j’aille me présenter régulièrement à mon agent de
probation. Pendant deux mois je n’y suis pas allé. Finalement je lui ai dit :
« Je viens vous voir juste cette fois-ci, et puis c’est tout. » Il m’a
dit : « Tenez, voilà la réglementation. Est-ce que vous avez violé
une de ces règles ? » J’ai répondu : « Oui, toutes celles
que je n’avais pas envie de respecter. » Il m’a dit : « On va
donc être obligés de vous renvoyer en prison. » Je lui ai dit :
« Vous feriez peut-être mieux de leur écrire avant pour leur demander leur
avis. Je ne pense pas qu’ils aient envie de me revoir là lias. »
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