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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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tout
décomposé et plein de vers d’un Japonais, tenant à la main un fusil tout
rouillé, se relevait pour me poursuivre. Je courais, mais mes jambes n’étaient
pas assez rapides et il me rattrapait. Alors je me réveillais avec des sueurs
froides.
    Savez-vous si vous avez tué quelqu’un à Iwo Jima ?
    Oui, c’est sûr. J’étais mitrailleur.
    De retour à Maui, ils m’ont repris ma mitrailleuse pour me
redonner une flûte. Je faisais partie de la fanfare de la 4 e division d’infanterie de marine, le 23 e régiment. Nous étions alors
en train de préparer le débarquement au Japon. Tout de suite après Hiroshima, notre
service de renseignements nous a dit que nous aurions dû débarquer à Chigasaki.
Dix ans plus tard, j’étais au Japon en tant qu’aumônier de l’US Navy. Un jour
où je passais à Chigasaki, je suis descendu du train pour aller voir la plage
où nous aurions dû débarquer. Ça m’a donné froid dans le dos. C’était Iwo Jima
en cent fois plus grand. Les montagnes surplombaient la plage, elles auraient
été hérissées d’artillerie pour nous accueillir. On se serait fait décimer.
    Maintenant je suis opposé à toute forme de guerre. Je
reconnais que cette bombe a été effroyable. Je suis allé à Hiroshima, j’ai vu
le point d’impact, j’ai vu toutes sortes de difformités que je n’avais encore
jamais vues auparavant. Je sais même que des séquelles génétiques peuvent
affecter des générations de survivants et leurs enfants. J’ai tout à fait
conscience de tout cela, mais je sais aussi que si nous avions débarqué au
Japon le carnage aurait été bien pire qu’en Normandie. Ç’aurait sûrement été l’invasion
la plus sanglante de l’histoire. Tous les Japonais, les hommes, les femmes et
les enfants étaient prêts à défendre leur patrie. Si nous avons réussi à
conquérir Iwo Jima, c’est que nous leur étions bien supérieurs en nombre :
trois contre un. Et malgré cela ils nous ont donné un sacré fil à retordre. Il
a fallu qu’on les empêche de se ravitailler pendant des mois et des mois. Au
point qu’ils en étaient arrivés à se nourrir d’herbe et d’écorces. C’est pour
ça que je suis très partagé au sujet d’Hiroshima. Cet horrible truc m’a
probablement sauvé la vie.
    À Maui j’ai vécu une autre histoire d’amour. Nous nous
sentions terriblement coupables. C’était l’abominable péché qui menait tout
droit en enfer. C’était avant qu’on mette en place un code de justice militaire
unique pour toutes les corps d’armes. Chaque corps d’arme avait son propre code.
Dans la marine on l’appelait : « rocks and shoals  » (écueils
et hauts-fonds). Je ne sais pas s’il existait une clause spéciale faisant de l’homosexualité
un crime. Donc je me cachais, car même mes désirs me faisaient terriblement
honte.
    Mais il n’y avait pas de chasse aux sorcières. J’ai même
entendu dire que des types avaient été surpris en plein rapport sexuel et que
personne ne les avait dénoncés. Les autorités n’en faisaient pas une affaire, c’était
la guerre. Qui donc aurait perdu du temps avec ces conneries ?
    Après sa démobilisation en février 1946 – « À la
fin de la guerre, j’avais perdu pas mal d’illusions  » – il a suivi des
cours de théologie, traînant toujours sa culpabilité. Il a fait une tentative
dans le journalisme, puis dans l’action sociale, et il est revenu dans l’armée
comme aumônier.
    Je me suis engagé dans l’US Navy, j’ai été envoyé dans les
marines et affecté au camp Fiji au Japon, le tumulus de cendres sacré. J’étais
aumônier itinérant, responsable de neuf bateaux. Il n’y a pas d’aumônier dans
les marines, c’est pour ça que j’avais été affecté là. On me considérait comme
un bon conseiller. J’étais toujours en manœuvres avec les troupes, j’étais des
leurs.
    Et puis on m’a renvoyé aux États-Unis où j’ai été affecté au
centre d’entraînement de la marine à San Diego. C’est là que j’ai vraiment eu
affaire à l’homosexualité. C’était un camp d’entraînement de jeunes gamins de
dix-sept, dix-huit ans. Je passais mon temps à écouter les malheurs de jeunes
invertis, car la seule personne à qui ils pouvaient se confier c’était l’aumônier.
Ils s’étaient engagés dans les marines pour la même raison que moi :
« Ils vont faire de moi un homme. Je vais leur montrer que je suis un vrai
dur. » Quand ils

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