La bonne guerre
allemand qui essayait de voir
ce qu’il pouvait. Il me tournait le dos. Je me suis précipité dans mon trou. (Il
rit.) Je n’ai pas pu lui tirer dans le dos. Pourtant j’avais une Thompson. Il
n’avait aucune chance. Le lendemain je me suis dit que j’aurais dû le faire. Et
après, je me suis dit que ç’aurait été complètement idiot d’avertir tout le
monde de ma présence.
En principe, vous faisiez cinq jours à l’avant, cinq jours à
l’arrière. Ils ne se sont jamais tenus à ça. Vous alliez au combat cinq jours, et
vous reveniez à l’arrière, prendre un bain, changer de vêtements, et le
lendemain, vous étiez de nouveau au combat. À cause des pertes. Une fois, j’ai
revu le petit paysan français et sa femme retourner vers leur maison. Ils avaient
survécu avec leurs poulets.
En tout, j’ai participé aux combats de juin 44 à mai 45. La
France, le Luxembourg et l’Allemagne. Nous avons débarqué le 6 juin, et ce n’est
que le 4 juillet que j’ai pu ôter mes chaussures, mes chaussettes, et changer
de vêtements.
Il a aussi fallu que je nettoie des blockhaus. Dans l’un il
y avait un soldat allemand. Le réflexe. Un autre mauvais souvenir. Ç’a été ma
première expérience en combat singulier. C’était pendant la bataille de la
forêt d’Hürtgen. La pire, je crois. Notre division a eu quatre cents pour cent
de pertes.
Une fois on m’a envoyé chercher un camion de jeunes soldats
de réserve. Ils n’avaient pas bénéficié d’un aussi long entraînement que nous. Je
leur ai dit : « Si j’entends quelque chose, et que je vous dis de
sauter, vous faites exactement comme moi. » Nous devions faire attention
aux feux de barrage, des obus d’artillerie qui tombaient sur les carrefours. Nous
approchions d’un carrefour, et dans le lointain, j’ai entendu tchak !
J’ai dit aux gars : « Allez ; sortez tous de là ! » J’ai
sauté par-dessus la rambarde du camion pour me jeter à plat ventre dans le
fossé le long de la route. Sur les vingt ou les vingt-cinq gars que j’étais
allé chercher ce jour-là, dix étaient morts.
J’étais éclaireur dans la forêt de Hürtgen. J’avais trois
hommes avec moi. Nous avions tous un équipement radio. On m’avait envoyé dans
une tour forestière. Au pied de cette tour, des arbres avaient été abattus par
des obus. Nous nous sommes fabriqué un toit avec des rondins posés les uns sur
les autres. Nous nous sommes glissés là-dessous, c’était notre maison. Quand
les obus touchaient les arbres et que des éclats tombaient, nous étions
protégés par ces rondins.
Le deuxième jour, j’ai aperçu une autre tour forestière. En
haut, il y avait un lieutenant allemand qui me regardait. Nous nous sommes fait
signe. J’ai repéré sa position sur ma carte. J’ai fait pointer mes canons en
plein sur lui, je savais au fond de moi-même qu’il faisait la même chose de son
côté. Il était également éclaireur d’artillerie. Sur mon versant, il y avait
une route le long de laquelle avançaient des chars allemands. Mon objectif. Il
allait observer mon tir. Mon degré d’efficacité l’intéressait.
C’était moi qui déclenchais l’artillerie. Un jour, une file
de véhicules allemands s’est avancée. Au centre, il y avait trois
ambulances. Pas question d’y toucher. Je ne pouvais que les regarder. D’un seul
coup l’artillerie a ouvert le feu. J’ai regardé ce lieutenant. J’ai secoué la
tête autant que j’ai pu. Il pensait que c’était moi qui avais appelé l’artillerie.
Quand je l’ai vu attraper son téléphone j’ai descendu l’échelle à toute allure.
J’étais à peine arrivé dans ma petite maison qu’il nous envoyait le paquet. La
tour a été presque renversée. Du vrai tir de précision. Une fois que le feu a
cessé, je suis remonté à l’échelle. J’ai agité les bras en l’air, et j’ai
secoué la tête : ce n’était pas moi. Il m’a regardé. Puis il a enlevé son
casque. C’était sa manière de s’excuser.
Un jour, je suis descendu de la tour pour aller uriner en
bordure des bois. Il y avait un Allemand à moins de deux mètres, derrière un
arbre. Je tenais encore mon membre dans la main quand je me suis retourné vers
lui. Avec mes copains, c’est devenu une blague : je pointais mon fusil sur
lui. Je l’ai fait asseoir, lui ai retiré ses chaussures, et il m’a tendu son
fusil.
Je connaissais un autre éclaireur. Il était parti en avant
avec ses
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