La bonne guerre
hommes. On leur a lancé des bombes au phosphore. Deux de ses hommes
ont brûlé sous ses yeux. Il est arrivé en courant là où je me trouvais, dans
une autre partie de la forêt de Hürtgen. Je suis allé à sa rencontre sur la
route. Il est tombé dans mes bras en sanglotant. Il répétait : « Plus
de tuerie, plus de tuerie, plus de tuerie. »
De nombreux signes laissaient deviner la proximité de la
reddition allemande. J’étais sur une route en jeep avec un chauffeur, j’avais
été envoyé en mission. J’ai avancé vers un pré où se trouvait une division
allemande au complet. Aucune raison d’avoir peur maintenant. Je me suis approché
d’un soldat allemand et lui ai demandé : « Où est votre commandant ? »
Il m’a indiqué une tente. Un général est sortitrès
dignement. Je me suis mis au garde-à-vous et je l’ai salué, et il m’a rendu mon
salut. Il m’a tendu son arme. Il se rendait. Je n’avais pas pensé un seul
instant qu’il m’arriverait une chose pareille.
J’ai envoyé un message radio pour raconter ce qui se passait.
Ils m’ont dit : « Emmenez-le à Bamberg. » Je conduisais le
convoi. Nous roulions ensemble. Il parlait un peu anglais, tout s’est bien
passé jusqu’à ce que nous arrivions au camp de prisonniers. Quiconque
franchissait ces portes devait passer à la désinfection. Il était furieux d’avoir
aussi à passer par là.
Il n’y a pas vraiment eu de célébration le jour de la
reddition allemande. Une colonne a descendu la colline tous phares allumés. Alors
j’ai su que c’était fini. Jusqu’à ce moment-là, on ne le ressentait pas
réellement.
J’ai été élevé dans un milieu croyant. Vous me suivez ?
Mais il a fallu une expérience comme celle-ci pour que je comprenne une bonne
fois pour toutes que j’étais contre la guerre et les massacres. Ce que j’ai vu
de mes propres yeux n’a fichtrement rien changé. Et tous ces gars formidables
que nous avons perdus. J’y ai laissé quatre années de ma vie.
Quand la guerre a commencé au Viêt-Nam, je me suis d’abord
dit que si le Président avait décidé que nous devions y aller, c’était que nous
devions y aller. Quand mon fils est parti, j’étais très fier de lui. Je le suis
toujours. Mais je me suis toujours demandé si sa présence était bien nécessaire.
C’était une guerre immorale. Mon fils était dans les marines au Viêt-Nam. Il
lui manque un coude maintenant. Sa main s’atrophie. Combien de fois sommes-nous
allés dans les plantations de caoutchouc Michelin, et y avons-nous versé notre
sang ?… ridicule, quel gâchis.
Il y a quelque chose qui fait que certains hommes sont
avides de pouvoir, et que les autres les suivent. Il y en a quelques-uns qui
résistent, mais si peu. S’il y a une autre guerre, il n’y aura pas de vainqueur.
C’est de la folie.
Charles A. Gates
Mince et leste, il se déplace dans la chambre de l’hôtel
avec la grâce d’un athlète. Rien d’étonnant, dans sa jeunesse, il a été
champion de tennis et de natation à Kansas City.
Il est de passage à New York, pour la trente-quatrième
réunion annuelle du 761 e bataillon de chars. « Tous les ans
nous devons malheureusement annoncer que certains nous ont quittés. À la fin de
la seconde guerre mondiale nous avons essayé sans succès de trouver quelqu’un
qui serait prêt à lire le rapport de nos états de service. En 66, il a été
présenté à la Chambre, sans suites, comme d’habitude. 67, même schéma. Après sa
prise de fonctions, le président Carter a dit : « Si vous avez un
problème, écrivez à la Maison-Blanche. » Je lui ai envoyé une lettre. Le
24 janvier 1978 il nous accordait une Presidential Unit Citation. »
Nous avons été les premiers Noirs artilleurs d’assaut à être
utilisés au combat.
J’avais vingt-neuf ans quand je me suis engagé le 10 avril
1941. On m’a envoyé à Fort Riley dans le Kansas. Il y avait là le 9 e et le 10 e de cavalerie qui ont tous deux accompli de sacrés exploits.
Je dois ma réussite à l’entraînement que j’ai reçu de vieux soldats qui n’avaient
pas d’autre diplôme que le certificat d’études. Des engagés. J’avais remarqué
qu’on disait à tous les nouveaux officiers blancs qui arrivaient d’observer les
vieux sergents noirs.
Ils m’ont demandé si ça m’intéresserait de faire une école d’élèves
officiers. J’ai dit que non, que je voulais juste faire mes douze mois et
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