La bonne guerre
retourner
chez moi. Le commandant du régiment m’a dit : « Vous connaissez le
manuel d’instruction du soldat ? » J’ai dit oui. « Qu’êtes-vous
censé faire quand un supérieur vous demande de faire quelque chose ? »
J’ai répondu : « Dans ce cas précis la demande équivaut à un ordre. –
Parfait, je vous demande donc de signer ces papiers. » C’est comme ça que
je me suis fait coincer et que je me suis retrouvé à l’école d’élèves officiers.
C’était en juillet 42. À Fort Knox, dans le Kentucky.
J’étais fait pour vivre dehors. Me retrouver à l’intérieur d’un
bâtiment à écouter une voix monocorde toute la journée c’était trop pour moi. Les
premiers jours je ne faisais que dormir. L’instructeur me dit : « Vous
ne faites que dormir pendant mes cours, vous n’allez récolter que des mauvaises
notes. » Je lui ai répondu que de toute façon je ne voulais pas venir ici.
Au bout de six semaines nous avons passé nos premiers examens. La moitié de
chaque groupe a été éliminée dès ce premier examen. Je me suis retrouvé avec
une moyenne de 96 et quelque chose. Alors les six semaines suivantes ils ont
dit : « Il n’y a qu’à le laisser dormir. » (Il rit.) En
fait, c’était le résultat de l’entraînement que j’avais reçu à Fort Riley.
J’ai été lieutenant au Camp Claiborne, en Louisiane, jusqu’en
décembre 42. Le commandant de la compagnie avait réuni trois chefs de peloton
pour me poser des questions, une sorte de test. Mes réponses leur ont convenu. Ensuite
je leur ai dit que moi aussi j’avais des questions à leur poser, et que je leur
laissais un mois pour me répondre. Après avoir épluché tous les manuels ils ne
les avaient pas résolues. Alors je leur ai poliment expliqué que les réponses
se trouvaient dans le manuel d’instruction qu’ils allaient recevoir. Le leur
était dépassé. Je leur ai dit : « Ça vous servira de leçon. Travaillons
donc ensemble, on fera un bien meilleur boulot que si on essaie tout le temps
de jouer au plus malin. »
L’hiver était froid et humide. Dès qu’on s’est trouvés sur
le terrain, la première chose que les gars ont faite, ç’a été de sauter des
tanks et de préparer des feux. J’ai rassemblé mon peloton, et je leur ai dit :
« Bon, messieurs, vous savez que ces tanks coûtent 60 000 dollars
pièce. Donc la première chose que vous devez faire c’est d’apprendre comment
utiliser au mieux ces engins. Mon premier ordre de la journée est le suivant :
éteignez ces foutus feux et remontez dans les tanks, et je vais vous montrer un
peu ce que c’est que d’obéir. Moi j’aime bien rigoler comme les autres, mais
quand je bosse, ça veut dire que vous en faites autant. » C’était notre
principe de travail, et le boulot était fait sans problème.
La ville la plus proche était Alexandria. Notre garnison se
trouvait près des égouts. Que des Noirs. Quand nous allions en ville nous ne
rencontrions que des MP blancs. Il fallait que nous changions ça. Ils
exigeaient que les officiers noirs ne portent pas d’armes. Alors que les autres
en portaient. Je suis donc allé en ville avec mon arme au côté. Ils m’ont
arrêté : « Vous n’avez pas besoin de votre arme. » J’ai demandé :
« Est-ce que tout le monde va cesser de porter une arme ? – Non, pas
du tout, mais vous vous n’en avez pas besoin. » J’ai dit :« Je suis de service, au même titre que vous. Je veux
donc avoir les mêmes droits que vous. » Ils savaient que j’avais raison. Ce
que je faisais était peut-être un peu idiot.
Ils m’ont menacé de poursuites. Je leur ai dit que mes
parents seraient aussi fiers de moi si j’étais rétrogradé au rang de simple
soldat que si j’étais promu général. Cela n’avait pas plus d’importance pour
eux que pour moi. Mais puisque j’étais là-dedans j’avais l’intention de suivre
les règlements à la lettre et pour le mieux. Et je peux vous dire que je les ai
épluchés les règlements. Après ça nous avons porté nos armes.
J’avais tellement été victime des préjugés raciaux en
Louisiane que pour moi l’Europe ç’a été du gâteau. (Il rit.)
Nous sommes partis pour Fort Hood, au Texas, au début 44. Nous
nous entraînions contre des unités antichars et nous les avons véritablement
ridiculisées. Il y avait des Blancs et des Noirs. Nous avions établi notre
réputation.
En 44 le général Patton demanda
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