La bonne guerre
sommes
arrivés parmi les premiers. J’ai réquisitionné un hôtel pour le chauffeur, le
photographe et moi. Nous avions l’hôtel pour nous seuls. Et plein de femmes de
chambre que nous poursuivions de chambre en chambre. Le propriétaire de l’hôtel
était boucher. Et pour chercher à gagner la faveur des Américains, il nous
nourrissait très bien.
Et la guerre s’est terminée. J’ai été démobilisé avec cinq
décorations : cinq étoiles, et ça me faisait largement mon compte de
branches. Mon dernier boulot a été de photographier des dignitaires arrivant à
Berchtesgaden. Les montagnes près de Berchtesgaden ont été ma dernière étape en
tant que GI.
Quand vous rentrez, vous êtes complètement euphorique. Ravi
d’avoir accompli ce pourquoi vous étiez parti. Le photographe a toujours une
place de premier rang. Vous risquez de vous faire blesser, mais vous êtes
privilégié. Vous êtes témoin et participant. Assister à la défaite du fascisme,
rien de mieux ne pouvait arriver à un homme. Vous aviez l’impression de faire
quelque chose de méritoire et d’être l’acteur d’un drame qui se déroulait
devant vous. Ç’a été la période la plus importante de ma vie. J’ai toujours
pensé que j’avais eu de la chance d’avoir pu y participer.
Post-scriptum : Trois mois plus tard, j’étais de retour en Europe. Avec le Leica avec lequel
j’avais été libéré. L’American Unitarian Association m’a proposé d’aller photographier
des réfugiés espagnols dans le sud de la France. Pendant trois ans, j’ai fait
le tour des camps.
Quand ils passaient les Pyrénées pour fuir l’Espagne de
Franco, la France de Vichy les mettait dans des camps de concentration. Quand
les Allemands sont entrés en France, les Français leur en ont donné les clés. Les
Allemands ont envoyé ces réfugiés dans des camps de travaux forcés et dans des
mines.
Ils étaient toujours dans ces camps quand je les ai
photographiés. Durant la guerre, beaucoup se sont échappés pour commettre des
sabotages. Ils ont été des chefs des Forces françaises de l’intérieur, les FFI.
Pouvoir saisir les expressions des visages de ces hommes héroïques a été une de
mes plus grandes satisfactions.
L’argent facile
Ray Wax
Il est agent de change et habite dans une banlieue
résidentielle de New York. Il y a peu de temps qu’il s’est lancé là-dedans. Auparavant
il avait travaillé dans la construction, et il a tenu une agence immobilière. Quand
il était jeune il vendait des roses dans le métro.
Il vous inonde de paroles. Il ne tient pas en place. C’est
un passionné, bien qu’il se soit assagi ces dernières années, et que sa fougue
se soit tempérée d’une certaine dose de fatalisme.
J’ai de la chance d’être encore en vie. Je pensais que cette
guerre était importante, mais je n’avais pas vraiment envie de partir. Quand j’ai
été mobilisé en 1940, je considérais les soldats d’activé comme des Cosaques. C’étaient
pour la plupart des gens qui s’étaient engagés pour échapper à de petites
peines de prison. Le juge demandait : « Que préférez-vous, six mois
ou un petit tour dans l’armée ? »
J’étais sur la plage de Santa Monica quand quelqu’un est
venu me dire que Pearl Harbor avait été attaqué. Nous sommes tous retournés au
camp en maillot de bain. Un ou deux jours plus tard nous avons tous été
affectés à la protection de la côte. En fait, ce qu’on faisait surtout c’était
semer la terreur chez les japonais de San Francisco.
L’Amérique est devenue vraiment paranoïaque après Pearl
Harbor, tout le monde était persuadé que les Japonais allaient attaquer sur la
côte ouest. On a imposé le couvre-feu dans les communautés japonaises des
environs de San Francisco. Je me revois très bien à l’arrière d’un camion, avec
mon M1 et deux cartouchières d’une centaine de cartouches autour du ventre, pour
vérifier que les fermiers japonais observaient bien le couvre-feu de six heures.
Que Dieu me pardonne, mais nous avions ordre de tirer sur tout ce qui bougeait.
Je serais curieux de savoir s’il existe vraiment quelque
chose de plus chiant que cette nom de Dieu d’infanterie. On passe son temps à
démonter les mitrailleuses et à les remonter ! Et j’ai fait tout ce que j’ai
pu pour en partir. Un des trucs qui nous manquait vraiment dans cette foutue
armée c’étaient les distractions. Une fois on m’a proposé de
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