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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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soupe à l’oignon avant de tirer de l’écurie leurs montures proprement pansées et brossées. Pistol, toujours prêt à un bon mot, accommoda à sa manière un vieil adage en mettant le pied à l’étrier.
    — Qui veut voyager loin ménage sa monture, sa selle… et son cul !
    Cette envolée donna le signal du départ. La matinée s’annonçait agréable et la chaleur raisonnable. Ils parcoururent au pas la première demi-lieue, puis échangèrent autant de plaisanteries que de banalités.
    — Te ressens-tu encore de tes blessures du siège de Candie  1 ? s’informa le dessinateur auprès de du Cauzé pour faire écho à la guérison de Lebayle.
    Le mousquetaire eut une hésitation, il n’était guère accoutumé à s’apitoyer sur son sort. Il concéda cependant quelques confidences à l’intention de Géraud qui marqua aussi son intérêt.
    — Je ne veux pas ennuyer notre ami par des récits de guerre qui n’ont rien d’héroïque… J’ai en effet été gravement blessé au bras par un éclat ; une chance dans mon malheur car tous mes compagnons d’alors, touchés par les lames des Turcs ou leurs balles, en moururent. On disait qu’ils les empoisonnaient. J’ai eu le loisir d’apprendre à tirer l’épée de l’autre main. C’est ainsi que, de retour à Toulon, j’ai pu désarmer un rival, amoureux d’une dame qui m’accordait sa douce amitié, en tout bien tout honneur. De dépit, à quelque temps de là, il me surprit au détour d’une rue où je flânais et me poignarda dans le dos.
    — Belle lâcheté !
    — Mal lui en prit – il existe une justice – puisqu’il fut arrêté et emprisonné tandis que j’entamais une seconde convalescence… auprès de la charmante et prévenante personne qui, par vengeance, m’accorda ses faveurs.
    Ils poursuivirent au petit trot, dépassèrent une charrette oscillante, chargée de gerbes. Pistol l’intarissable relança la conversation et du Cauzé enchaîna :
    — Au siège de Zutphen 2 , n’ayant pu obtenir une lieutenance comme je le souhaitais, je m’engageai en tant que simple volontaire. C’est là que j’ai pu apprécier la vaillance de notre roi qui, un matin, au rapport qu’on me demanda de lui transmettre, jaillit de sa tente en justaucorps, sans aucune protection. Il sauta sur son cheval qu’on tenait toujours prêt à son intention et monta à la tranchée pour diriger l’attaque et repousser l’ennemi… Un autre jour – c’est là que je voulais en venir, Pistol –, afin de reconnaître les forces repliées qui restaient à combattre, je me proposai pour une mission d’éclaireur. Je me faufilai jusqu’aux fortifications de la ville, étonnamment calme, comme désertée. Je me heurtai cependant à une sentinelle et ne dus la vie qu’à ma promptitude en lui logeant une balle sous le crâne. Mais l’alerte fut ainsi déclenchée et un groupe de cavaliers se jeta à mes trousses. Il me fallut trois journées harassantes, sans manger ni boire, pour leur échapper à travers halliers, fossés et marécages, et me réfugier auprès du Grand Maréchal de Suède qui se dirigeait sur Paris où il était envoyé en ambassadeur. Je me crus sauvé. Je priai son excellence de m’accueillir sous sa protection. En public, il me répliqua qu’étant médiateur, il ne pouvait prendre parti. Malgré les protestations de son entourage, il resta inflexible. Je m’enhardis à lui dire que puisque la fortune m’avait guidé vers lui, j’aurai l’honneur de le suivre et que, si j’étais attaqué, ce serait au milieu de ses équipages. Il se radoucit et, voyant que j’étais un homme d’honneur, accepta ma proposition 3 . Ainsi, je me retrouvai à Maëstricht, où nous avons lié tous deux connaissance. Le siège n’a duré que dix-sept jours, mais j’ai eu l’occasion de me montrer à mon avantage. Toujours en vacance d’une lieutenance à ma convenance, je me suis décidé à rentrer sur Paris. Je ne vous cacherai pas que je souhaite y rejoindre au plus tôt une personne qui m’est chère. Seulement, pour préserver sa dignité, elle s’est résolue à se retirer dans un couvent par la volonté d’un père autoritaire qui n’apprécie guère les avances d’un pauvre militaire désargenté.
    Géraud Lebayle compatit et sourit aux mésaventures de son ami qui lui rappelaient de vieux souvenirs de la même eau.
    La journée se déroula sans anicroche ni mauvaise rencontre. Leurs laissez-passer leur

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