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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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épargnaient un temps appréciable. Pistol assurait avec bonne humeur l’essentiel de la conversation, posait des questions parfois indiscrètes, auxquelles les deux autres répondaient de façon évasive ou fantaisiste. Cela se concluait en général par un bel éclat de rire et on reprenait le galop.
    Le soir tombait mais la clarté du ciel était suffisante pour gagner une auberge connue de Jean-Charles et distante d’une courte lieue. Ils y furent accueillis bien après complies. Les clients étant rares, tout le personnel se mit à leur disposition afin de se libérer au plus tôt. Ils se laissèrent choyer. La nourriture était simple mais servie en quantité. Ils se couchèrent tôt, se levèrent de même. Lebayle ne se ressentait plus de son ecchymose violacée, auréolée d’un jaune peu ragoûtant.
    Plus la capitale approchait, plus Géraud pensait à Maline. Dans quelle humeur allait-il la retrouver ? Comment avait-elle surmonté cette séparation survenue dès le lendemain de leur arrivée ? S’était-elle adaptée à la vie parisienne si particulière ? Bien qu’elle ne sache pas lire, il lui avait envoyé comme promis une lettre, comptant sur les propriétaires de sa pension pour la lui déchiffrer.
    Le quatrième jour, Pistol le mit en rage à prétendre dessiner à tout prix la cathédrale de Reims.
    — Le haut lieu du sacre des rois de France ! La plus belle façade du royaume. Une dentelle de pierre finement ajourée où le soleil et le vent jouent de la harpe céleste ; écoute le chant divin ! Des motifs sculptés par centaines 4 , la seule église à posséder des anges aux ailes déployées. Pour une petite prière, et au modique coût de quelques minutes d’indulgence, ils nous couvriront de leur protection.
    Cela dura une heure.
    Géraud perdit patience et, entraînant du Cauzé, s’éloigna à pied. Avant de le perdre de vue, ils se mirent en selle, appelèrent en vain le passionné absorbé par son œuvre. Ils trottèrent sans forcer l’allure sur un quart de lieue, furent soulagés quand ils perçurent un galop derrière eux. Qui d’autre que Pistol déboulerait dans un nuage de poussière en chantant leurs patronymes à tue-tête au rythme de sa course ?
    — Je ne pouvais commettre ce sacrilège d’ignorer ou de maltraiter ce joyau du génie humain, se justifia-t-il.
    Encore tout ébloui, il se tut presque un quart d’heure – prodige sans précédent ! Ils apprécièrent alors le doux ramage des corbeaux et des corneilles qui se disputaient dans les champs les grains oubliés par les moissonneurs et les glaneurs. Ils croisèrent quelques paysans l’outil sur l’épaule, des journaliers menés par leurs maîtres, divers attelages et plusieurs mendiants.
    Après Namur et Charleville, ils poussèrent le galop pour faire étape à Château-Thierry, puis voir pointer les tours du Temple au début de l’après-midi suivante.
    Munis de l’adresse de chacun des deux autres, ils se séparèrent à regret devant Notre-Dame, s’engageant solennellement à se revoir au plus tôt. Du Cauzé de Nazelle bifurqua vers le village de Picpus. Pistol était hébergé par une parente rue des Ciseaux, hors les murs, du côté de Saint-Germain-des-Prés. Géraud logeait rue de la Calandre dans l’île de la Cité, à quelques maisons du « Grand-Coq » où habitait depuis 1625 la famille Renaudot 5 . Lebayle louait deux longues pièces sous les toits avec une alcôve transformée en chambrette pour… Lisa !
    Lisa. Dieu du ciel ! Il avait complètement oublié la petite sœur de son amie, âgée de onze ans environ, qu’il avait accepté d’arracher aux misérables cayennes de l’arsenal de Rochefort.
    À contrecœur, il tourna bride ; avant tout, il devait se rendre au Grand Châtelet et remettre son rapport à monsieur de La Reynie. Il franchit à nouveau la Seine, suivit les quais encombrés et animés où se chargeaient et déchargeaient des marchandises de toutes sortes dans une cacophonie incroyable.
    Il se fit reconnaître par le sergent de semaine, enfila dix couloirs, grimpa quatre escaliers, rencontra le secrétaire principal du lieutenant général de police qui lui proposa de patienter dans le cabinet attenant. Il fut introduit au bout d’une demi-heure.
    Gabriel Nicolas de La Reynie, nommé par le roi sur recommandation de Colbert – créateur de cette charge –, était aussi le premier à l’assumer. Il y avait tout à faire. De plus, il était juge et

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