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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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déborder !
    — Je ne répète que ce qui est dit et écrit sur son compte. Pour accréditer mes propos, je ne vous livrerai qu’une seule anecdote, assez caractéristique du personnage, d’ailleurs… C’était du temps de Mazarin chez lequel on jouait de grosses sommes. Le petit marquis avait perdu beaucoup. Sa dette envers le roi s’élevait à sept ou huit cents livres. Selon leurs conventions, il lui fallait la régler en louis d’or. L’impudent se mit à compter sur la table deux cents pistoles d’Espagne, tout ce dont il devait disposer à cette heure-là. Le roi bien entendu les refusa, quelque peu irrité par cette attitude bravache, mais se contint. Alors, Rohan se leva et jeta les pièces par la fenêtre en s’exclamant : « Puisque Votre Majesté ne les veut pas elles sont bonnes à rien ! » Louis n’apprécia pas. Malgré tout, peu après, il l’agréa dans la charge de colonel des gardes, ce qui démontre qu’il n’avait pas de rancune.
    — Bel acte de tolérance et d’indulgence ! s’étonna Pistol.
    — De clémence et de mansuétude, compléta Alexis.
    — Mais point trop n’en faut ! On comprend qu’après plusieurs camouflets de cette sorte, le roi ne puisse plus pardonner les effronteries et les irrévérences croissantes de Rohan. Je n’aurais pas eu cette patience.
    Dans la même formation, ils repartirent au galop.
    1 - Éclaireur ou homme de tête dans un trafic organisé en bande.

    2 - Chien passeur de frontières.

    3 - Sacoches de cuir entourant le poitrail d’un fonceur.

    4 - Contrebandiers spécifiques à la frontière franco-belge (en westflamand).

    5 - De la Semois, de préférence, d’où nous vient l’expression : « Fume, c’est du Belge ! »

IX
    I LS ARRIVÈRENT AU RELAIS DE POSTE dans les délais prévus – une imposante bâtisse au toit à quatre pentes et balcon aux deux étages –, soupèrent d’un appétit vorace pour n’avoir pas dîné en route. Ils avaient croisé peu de monde et en avaient dépassé encore moins. Alexis de Vareuil les salua bientôt et les quitta à regret, car il comptait se lever très tôt. Ils se séparèrent sur d’amicales accolades qui firent grimacer l’agent de La Reynie. Les trois autres s’inquiétèrent de sa blessure et Pistol demanda à l’aubergiste d’aller quérir sur-le-champ un chirurgien ou un médecin. La ville la plus proche était à deux lieues et à cette heure avancée… Il proposa un rebouteux qui habitait à proximité. Faute de mieux et sur l’insistance de ses amis, Lebayle, qui souffrait, accepta.
    Dans le quart d’heure, ils virent se présenter un vieillard gibbeux, guenilleux, à la tignasse de filasse grise flottant sur les épaules, et muni d’une lourde besace de peau rapiécée. Il examina avec attention la bosse violacée sur l’omoplate, petite sœur temporaire de la sienne, hocha son crâne oblong dégarni, ne concéda pour tout diagnostic que des borborygmes et des claquements secs de la langue entre ses chicots. Puis il fouilla dans son sac, en tira un pot d’onguent noirâtre et douteux, en pétrit l’épaule de Géraud comme une pâte à pain. Le patient grimaça et serra les dents, sous les regards compatissants mais sceptiques de ses deux compères. Peu à peu, il s’habitua à ce savant malaxage psalmodié. À la fin de l’exercice, l’homme réclama par gestes quinze sous – ce qui n’était pas rien – et se retira.
    — À votre avis, interrogea Géraud en enfilant sa chemise, qu’est-ce qui m’empêchera le plus de dormir : la douleur lancinante ou la puanteur du baume ?
    — Les deux conjugués sans doute. Mieux vaut en ignorer la composition, enchérit Jean-Charles qui déguisait des signes de fatigue.
    Peu après, ils montèrent se coucher. Alexis dormait à poings fermés et par chance sans ronfler. Cinq lits restaient disponibles. Ils purent choisir à leur guise. Par humanité, Géraud s’octroya le plus éloigné, contre la cloison ; les deux autres se réfugièrent du côté de la fenêtre ouverte.
     
    Lebayle s’éveilla le premier, s’étonna de reposer sur le dos. Il se redressa et se rendit compte avec soulagement qu’il mouvait son bras gauche sans raideurs ni élancements. Du bout des doigts, il se palpa l’épaule, n’y rencontra qu’un cal épais. Le vieux renoueur avait mérité son argent. Les deux autres s’étirèrent à leur tour. Aucun n’avait entendu partir l’estafette. Ils consommèrent une bonne

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