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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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constatant qu’à sa droite, son cadet d’un an et demi était aussi bien pourvu que lui par dame nature. Contrarié, il revint à Gautier :
    — De quoi as-tu peur ? aboya-t-il, dédaigneux et amer. Puis, découvrant une parade à sa déconvenue : de pas dégotter ton pauvre ardillon ?
    Campés, visant le batracien impassible, les deux garçons éclatèrent de rire, si bien que la grenouille trouva opportun de plonger dans le marigot.
    — Feu à volonté ! Feu ! Feu !
    Les deux jets fusèrent, arrosèrent à la volée, se croisèrent, augmentant leur hilarité.
    — J’ai compissé le lierre avant que vous arriviez, tous les deux, prétexta Gautier, j’ai plus envie.
    La giclée du plus jeune se tarit avant l’autre qui s’enorgueillit de la contenance de sa vessie, aspergeant de-ci de-là pour assurer sa supériorité, tâchant avec ses dernières munitions d’atteindre son compagnon de miction. Puis ils se tournèrent pour voir Gautier disparaître vers l’aile des dortoirs.
    — Le pauvret a été fort impressionné, supputa Geoffroy en se rafistolant.
    — Sans doute, éluda l’autre dans l’expectative, pas mécontent d’en rester là.
    « Mon pauvre Jean-Charles du Cauzé de Nazelle, comme tu es maussade et préoccupé, ces temps-ci… assombri… affligé même, monologuait celui-ci. Ne te morfonds pas davantage, il y a plus malheureux que toi sur cette terre et tout n’est pas perdu. »
    De se réprimander ainsi à mi-voix, dissimulé derrière la croisée de sa chambre à la pension Picpus, lui redonna un peu d’entrain et de confiance. Sa situation n’étant pas florissante, son cas n’était toutefois pas dramatique et l’espoir de jours meilleurs était encore permis. Il avait un peu titillé le diable en quittant sa terre de Guyenne sans l’assentiment de son père. Il avait alors la prétention de monter à Paris et de s’engager chez les mousquetaires, grâce à une… fausse recommandation dont il était l’auteur ! Le garçon ne manquait donc pas d’audace. De campagnes en blessures, d’idylles aventureuses en duels, du siège de Candie (en Crète) à celui de Maëstricht, en passant par Zutphen (Hollande aussi), il avait certes remboursé les frais de son équipage, mais ses deux sacripants de serviteurs s’étaient enfuis avec tous ses effets. De plus, la guerre ne récompensait plus, comme il convenait, les fidèles soldats. Aujourd’hui, sans emploi et désargenté, il échouait dans cet hôtel de l’école des Muses.
    Et il avait fallu qu’avant son dernier départ pour la Hollande, au cours d’une soirée dans la bonne société où il avait été convié par un ami, il rencontre trois sœurs et s’éprenne de l’aînée. Mademoiselle Anceau était d’une grâce particulière, mais pourvue d’un charme indéniable. Il s’y était aussitôt attaché car, pour son extrême jeunesse (dix-sept ans), elle n’en avait pas moins « un esprit vif et solide, le cœur noble et élevé, les manières douces et insinuantes, l’humeur enjouée et toujours égale, elle était très modeste, sans aucune affectation, ne pensant jamais à mal de personne et excusant plutôt les défauts d’autrui que les siens propres, belle au reste et très bien faite 1  ».
    Jean-Charles resta un moment prostré, front collé à la vitre. Une esquisse de sourire étira ses lèvres, puis la commissure droite se redressa en une sorte de moue désabusée.
    Virginie était la fille d’un secrétaire du roi, un homme riche et intransigeant. Elle avait perdu sa mère très jeune. Ils avaient dansé ensemble. Elle n’avait pas repoussé ses courtoises – et maladroites – galanteries. Il s’était embrasé jusqu’à concevoir qu’il ne pourrait plus vivre sans elle. Au cours d’une autre réception, il avait osé lui glisser un billet. Elle lui promit une réponse sous son balcon, à minuit. Il s’y précipita. Elle fut ponctuelle. Une main apparut par l’entrebâillement de la croisée. Le message virevolta jusqu’à ses pieds. Il s’en saisit, courut chez lui pour le lire : le papier ne contenait… qu’une larme de confiture séchée ! Se moquait-elle de lui ? Il ne dormit pas de la nuit et, fou de douleur, revint hanter les lieux le lendemain soir. La véritable lettre était cachée dans un buisson ! Il maîtrisa son euphorie. La finaude, la malicieuse, la futée s’était méfiée de son père dont la fenêtre se situait juste en dessous de la sienne.

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