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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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de ma silhouette. Je la qualifierais davantage d’« ample », d’« opulente » ou de « rebondie ». Généreuse, autant que faire se peut, mais nul n’est parfait en ce bas monde, moi pas plus que quiconque, ducs, pairs et monarques divers assimilés. Quant à l’âme, qu’est-elle, mes amis ? Vous êtes-vous déjà posé la question avec objectivité, sans vous référer à ce qu’on vous en a dit ?
    — On oppose l’âme à l’intelligence comme le siège de la sensibilité au siège de la raison.
    — Pas vous, mon gendre qui êtes initié à cet art et connaissez par cœur mes théories. Afin de nous aérer la pensée, écoutons des avis neufs et candides, non empreints de ce galimatias spécifique à ceux qui chatouillent la lyre philosophique.
    Les autres convives se dévisagèrent pour savoir qui se dévouerait, qui monterait au pilori. Un militaire se devait de prendre la tête de l’assaut : Jean-Charles, puisant dans son maigre bagage.
    — Les anciens tels Platon et Aristote n’avaient-ils pas établi l’unité âme-corps indissociable ?
    — Belle stratégie d’approche par le flanc qui ne dévoile pas vos batteries, mon cher. Vous m’obligez, ipso facto , à répliquer que, si l’on suit Descartes, l’être est radicalement scindé comme duel. «  Cogito ergo sum  » selon sa célèbre formule : « je pense donc je suis » accorde la priorité à l’âme sur le corps, l’existence de l’esprit, la réalité de Dieu et la possibilité d’accéder à la connaissance. On ne parvient qu’à une certitude, celle de la pensée.
    — L’âme n’est-elle pas une sorte de cordon ombilical immatériel entre le corps et Dieu ? décocha l’un des trois autres convives.
    — Comparaison hardie, mais poursuivez, encouragea le maître.
    — Le corps n’est qu’une enveloppe, l’âme est immortelle.
    — Bien ! approuva Affinius rubicond du plaisir d’avoir amené son auditoire sur le terrain qu’il avait choisi. Toutefois, à votre grande stupéfaction, voire l’indignation de certains, je serais tenté d’avancer un peu plus avant sur ce chemin vierge à défricher. Je me pose une question : si penser c’est être, sans la vie qu’est la pensée ? Sans ce support matériel dont vous parlez, que devient-elle ? Peut-elle perdurer, exister par elle-même ?... Ne s’évapore-t-elle pas dans l’Éther, ne se sublime-t-elle pas ?...
    Il se tut, parcourut la tablée de son œil globuleux, plus roublard qu’un maquignon. Il pointa son index boudiné vers Gautier-Lisa qui, surprise, ouvrit la bouche sans qu’un son, pas même un couinement de souris, en sorte. Géraud aurait voulu se porter à son secours, mais n’eut pas le temps de concocter une phrase bancale qu’elle lança comme sur la défensive :
    — Je sais pas si j’ai une âme qui rejoindra un jour Dieu par le cordon de monsieur, mais ma tête s’échauffe et enfle comme une vessie de porc sur le point d’éclater !
    L’instant de stupeur se prolongea avec l’air effaré du vieux Hollandais. Sa colère allait-elle éclater ? Avait-il deviné le sexe caché du soi-disant Gautier ? Cramoisi, il se rejeta contre le dossier de son siège, ramenant ainsi sa toque sur ses sourcils. Crise d’apoplexie ? Il explosa, mais d’un rire tonitruant qui pétrifia l’assemblée et les femmes assurant le service. Affinius tressautait comme un sac de noix dans une carriole. Par degrés, il finit par se calmer. Lisa était livide, les yeux amarrés à ceux de Géraud. Kerkerin et Dargent, les gendres, ne montraient aucune inquiétude et continuaient à boire et à manger. Enfin, le maître posa ses mains de part et d’autre de son écuelle de bois et reprit la parole :
    — Voilà, messieurs, la plus belle réponse qui puisse être formulée avec la candeur et la spontanéité de la jeunesse qu’hélas vous n’avez su conserver en acquérant de la maturité. Je vais donc m’exprimer plus simplement par un exemple concret : la flamme a besoin de la matière de la bougie et de sa mèche pour exister. La flamme peut-elle être d’une façon quelconque quand la chandelle s’est entièrement consumée ? Ainsi, l’âme peut-elle être sans le corps ?
    — Vous persister et vous opiniâtrez dans votre athéisme, beau-père.
    — Vous niez donc l’éternité de l’âme, s’époustoufla Jean-Charles et…
    — Et l’existence de Dieu, compléta le mari de Clara-Maria avec une petite moue

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