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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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compliments avant de payer de retour :
    — Maître Affinius, je suis ravi que Gautier profite si bien de vos leçons. L’honneur est réciproque, et c’est de grand cœur que j’accepte votre invitation.
    — Monsieur, vous me comblez car pour qu’une journée ne se noie pas dans la banalité ou la morosité, ne s’enlise dans la poix des sombres nouvelles du monde, il faut qu’une lumière, même modeste, l’éclaire d’un événement heureux. Et c’est celui-là aujourd’hui. Mes amis, hâtons-nous de sceller la première pierre de cette rencontre en levant haut nos verres.
    Le patriarche rayonnant se dandina vers l’extrémité de la table tandis que les femmes s’empressaient de remplir les verres. Il se cala sur son espèce de trône d’un roi des gnomes shakespearien qui rehaussait son court et volumineux embonpoint. Ils portèrent un toste 1 à l’amitié : « Si l’on me presse de dire pourquoi je t’aimais, je sais que cela ne peut s’exprimer qu’en répondant : parce que c’était lui parce que c’était moi », déclama-t-il en citant Montaigne. Un second à la connaissance universelle qu’il agrémenta de même : « Savoir par cœur n’est pas savoir : c’est tenir ce qu’on a donné en garde à sa mémoire. »
    — Dame Catherine, régalez-nous à votre habitude des divines recettes dont vous avez le secret, « car on vous appelle Cateau tout court, la bonne Cateau, la plus jolie Cateau de la chrétienté, Cateau de la halle aux gâteaux, ma friande Cateau, car qui dit gâteau dit friandise ; Cateau ma consolation… ».
    — Vil flagorneur, flatteur babillard, vous n’en pensez pas un mot.
    — C’est William Shakespeare qui glorifie Catharina !
    Elle se détourna en haussant ses fortes épaules. Comme à l’accoutumée, la maîtresse des fourneaux ne goûtait guère les envolées lyriques de son compagnon. Elle houspilla les servantes et sa benjamine pour hâter les agapes car elle avait d’autres soucis d’intendance.
    — Voyez en quel cas on tient la culture en son propre temple. Et il ajouta, malicieux : extrait choisi de la Mégère apprivoisée .
    On rit sous cape. Gautier, ébloui par les louanges qu’il avait reçues, se dirigeait vers la table des élèves quand le maître le rappela et le convia à s’asseoir entre son tuteur et Jean-Charles du Cauzé, précisant qu’il fallait « récompenser le mérite et montrer à l’ensemble des écoliers présents qu’on pouvait s’élever dans la société par la simple volonté de réussir et qu’un jour chacun pouvait revendiquer la place d’honneur ».
    Lisa-Gautier s’en sentit gênée car elle ne tenait pas à susciter la jalousie ni l’envie auprès de ses coreligionnaires qui avaient davantage la morgue à la lèvre que sa hargne et sa fringale d’apprendre.
    — Monsieur, lança le philosophe à Géraud en attaquant une volaille rôtie à la peau croustillante, je puis dès à présent vous garantir, sans être devin, qu’en trois ou quatre années d’étude acharnées, votre pupille sera en mesure de rivaliser avec nos meilleurs éléments du cru.
    Ainsi, le filou, comptait s’assurer une rente à moyen terme avec l’espoir d’un prolongement !
    — Maître, vous nous enchantez, mais ne vantez-vous pas des mérites hypothétiques quand on sait que vous avez eu comme brillants élèves des jeunes penseurs qui font déjà autorité, tel votre compatriote Baruch Spinoza et que vous comptez parmi vos illustres amis l’ambassadeur philosophe Gottfried Leibniz ? Gautier, par vos soins diligents, commence certes à s’initier à la magie de l’écriture, mais en si peu de temps, la gageure me paraît irréalisable, sauf votre respect.
    — Père incrédule ! D’une part, nous n’avons pas, hélas, en nos classes, aujourd’hui, une génération équivalant celle que vous évoquez, mais vous avez parlé de magie. Reconnaissez ses pouvoirs immenses et que, maniée par ses initiés, elle est capable de prodiges.
    — Je n’en doute pas, maître, et vous renouvelle ma confiance entière et inconditionnelle. Vous êtes une grande âme généreuse et dispendieuse du précieux savoir.
    Le vieux philosophe matois gloussa sous la broussaille de sa barbe, les yeux plissés de malice. Il piocha dans les plats de choux, blettes, poireaux et salines que Marianne venait d’apporter en jetant au passage un regard languide à du Cauzé de Nazelle.
    — Grande ! Elle est à l’aune

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