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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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malingre.
    « Quille », « bœuf », encore !
    Mille diables verts !
    C’est dans cet ordre qu’il fallait les considérer ! Jean-Charles avait sursauté. Lisa s’était écartée, toutes griffes dehors, sur le qui-vive.
    Quillebeuf est un port à l’embouchure de l’estuaire de la Seine qui obtint le privilège du pilotage des bateaux sur le fleuve au temps d’Henri IV, confirmé par Mazarin. Une position stratégique importante, convoitée et investie par les Anglais et les huguenots. Et Géraud qui revient précisément de cette province où s’agitent et grondent les nobliaux de « l’Union des gentilshommes de France », sous la conduite de La Tréaumont. La coïncidence est trop frappante !
    Il lui fallait en référer au plus tôt à Lebayle.
    Jean-Charles signifia à Lisa qu’il était temps de se replier avant qu’un éternuement ou une maladresse ne les trahisse. Ils revinrent sur leurs pas. Il souleva la tenture sans prendre de précautions particulières, certain qu’ils étaient seuls… et tomba nez à nez avec Marianne, bougeoir à la main. Par réflexe, il tira le rideau dans son dos de manière à protéger Lisa.
    — Monsieur Jean-Charles, que… ?
    — Marianne, je vais vous expliquer. Ne dites rien. Éloignons-nous.
    Il saisit la jeune femme par le bras et l’entraîna dans l’escalier, priant pour que derrière la fillette comprenne l’avertissement et reste cachée.
    — Je consultais dans ma chambre un traité militaire quand un bruit a attiré mon attention vers la fenêtre. Je surpris alors deux silhouettes dans le jardin qui s’approchaient de la maison. J’ai craint qu’il ne s’agisse de brigands. Je suis donc descendu pour m’informer et, si nécessaire, donner l’alarme.
    Ils atteignirent le palier.
    — Sans votre épée, je vous trouve d’une grande témérité.
    — Je serais remonté la chercher. Une conversation amicale me fit admettre que votre père recevait des amis, à l’insu de sa chère compagne. Rasséréné, je regagnais mes pénates…
    Il se tut pour deux raisons. D’une part, la jeune femme, campée sur l’avant-dernière marche, le contemplait avec des prunelles chargées d’une douce tendresse et d’une admiration exagérée, d’autre part, du coin de l’œil, il venait d’apercevoir au rez-de-chaussée le minois d’une petite souris blanche qui longeait le mur. Il s’orienta de manière à ce que la cadette du philosophe ne puisse la surprendre. Dans le mouvement, Marianne trébucha et s’abattit contre sa poitrine. D’instinct, il la retint par les épaules. Elle ne se dégagea pas, bien au contraire, et profita de la situation pour faire sentir ses avantages.
    — Je suis désolée…
    — Vous êtes-vous blessée ?
    — Je ne sais pas… À la cheville, peut-être, une douleur.
    — Je vais vous soutenir pour que vous regagniez vos appartements.
    — Je… Je crains de n’être en mesure de monter… ni de descendre.
    Un instant pris au dépourvu, Jean-Charles ne sut que répondre, d’autant qu’accroupie dans l’obscurité au pied de la rampe, Lisa lui adressait des signes suggestifs qui n’étaient pas dignes d’une petite fille innocente. Époustouflé, il ne saisit pas tout de suite les intentions de Marianne que son père encourageait dans ce rapprochement depuis un certain temps. Lisa lui signifia de l’emporter dans ses bras et agita sa langue de vipère, mimant des baisers enfiévrés. Sur un dernier geste impudique, elle s’éclipsa.
    Sourire résigné en coin, le mousquetaire s’exécuta. Marianne se lova, exprimant sa totale et volontaire soumission. La flamme de la bougie palpita mais résista. Il ne prit pas la direction des domaines privés du deuxième étage, et s’orienta vers sa chambre. Elle ne s’offusqua pas. Il se justifia cependant dans un murmure :
    — Ne vous tourmentez pas, je possède un onguent qui vous rétablira en peu de temps.
    — Avec vous, je ne crains rien, vous êtes un gentilhomme.
    « Pour être gentilhomme, on en est d’abord homme gentil », plagia-t-il en lui-même.
    De l’épaule, il poussa puis repoussa sa porte, hésita à jeter d’emblée la jeune fille sur sa couche en friche, choisit la chaise, l’y assit avec délicatesse. Elle se pencha et déposa le bougeoir sur le plancher. Cet étourdi remarqua seulement qu’elle ne portait qu’une longue chemise de nuit échancrée et des souliers plats d’intérieur. Ses courbes étaient

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