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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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joli plat fumant de cochon de lait à la peau dorée, la spécialité de la maison.
    Émerveillée, Lisa, redevenue petite fille, regagna sa place.
    — Du vrai cochon rose et noir ? J’en ai jamais mangé, jamais. Quel goût ça a ?
    — Le meilleur du monde, tu verras...

XXV
    — B ONJOUR, CHEVALIER ! J’ai tenu ma promesse, vous en conviendrez, et me présente au jour dit, à l’heure dite, après les précautions d’usage et une circonspection d’exception.
    À peine introduit dans le grand salon, La Tréaumont s’avança à grandes enjambées jusqu’au centre de la pièce, la mine réjouie et le geste large que son envergure rendait encore plus impressionnant. D’un mouvement d’épaule, il se libéra de son manteau qu’il jeta à Pascal. Rohan n’ayant pas quitté la table où il classait des documents, il s’étala d’autorité au milieu d’un confortable canapé tapissé de velours rouge comme il s’en trouvait depuis quelques années dans les manoirs des bonnes familles.
    — Je vous apporte de réjouissantes nouvelles !
    — À quel propos ? grogna le maître des lieux sans lever les yeux car il n’appréciait guère ces intrusions tapageuses et désinvoltes.
    Le géant croisa ses immenses jambes bottées, coinça sa cheville sur son autre genou, l’éperon agressif comme un ergot de coq, étendit ses bras sur la largeur du dossier, en caressa le tissu à rebrousse-poil.
    — L’affaire hautement confidentielle qui nous soude tous les deux et nous ligue à « l’Union des gentilshommes de France » ! Celle qui nous associe désormais à de puissants alliés, précisément confirmés depuis peu ; première information de haute qualité, livrée en guise de préambule.
    — Soyez plus explicite, George de Hamel, je ne vous suis guère dans votre labyrinthe énigmatique et n’en ai pas le goût.
    — Ne m’offririez-vous point de ce nectar que vous me fîtes goûter l’autre jour ? J’en ai conservé un souvenir impérissable.
    — Sur la console, servez-vous, je n’ai pas soif.
    — Il faut excuser mon euphorie et mon empressement un peu excessifs, chevalier, ce sont de favorables circonstances qui m’enflamment. Nous avançons sur la voie de la réhabilitation, de la résurrection !
    Sur cette envolée, il se leva. Ses talons ébranlaient le parquet ciré. Il remplit deux verres, s’octroya une gorgée de dégustation, compléta le niveau, et proposa le second à son hôte demeuré de marbre gris pour s’interdire de faire expulser le malotru par ses gens. La Tréaumont garda la pose, haussa les sourcils devant ce refus :
    — Vous m’avez demandé trois jours de réflexion, je les ai mis à profit et viens vous réconforter par des annonces qui vont dans un sens favorable. Je ne souhaite qu’honorer la confiance que vous m’accordez en acceptant d’entendre mes confidences et vous prie de me donner votre sentiment. Vous admettrez que, de cette manière, je me livre à vous pieds et poings liés car, sur un mot de votre part, je risque ma tête.
    Rohan se décrispa à demi, condescendit à prendre le verre, n’approuva que d’un court hochement et une moue désabusée. La Tréaumont n’en tint pas compte, mais retourna s’asseoir avec moins de démonstration. Il savoura une gorgée de vin dont il ignorait la provenance et s’en moquait, adopta une contenance en le mirant dans la douce lumière du foyer.
    — Je n’ai jamais été très habile, se justifia-t-il, pour tourniller de jolies phrases et enrober mes discours de fioritures. Je suis un soldat. Je marche au feu les yeux ouverts, droit au but, avec détermination. Je ne vous présente donc pas mon neveu Auguste des Préaux qui fut sous vos ordres à Maëstricht, membre très actif de l’Union des propriétaires de nos forêts normandes. Épaulé par sa nouvelle conquête, la marquise de Villars, il rallie chaque jour sous notre bannière davantage de hobereaux, gentilshommes et seigneurs respectables, dépités et récalcitrants, écœurés par le pouvoir absolu, les ministres et leurs lois iniques.
    Asséché par sa diatribe, il se désaltéra prestement, imité par Rohan qui ne voyait pas où l’énergumène voulait en venir. Jamais il n’aurait dû consentir à lui tendre une oreille compatissante ! Jamais. Sa bonté le perdrait. Il n’entrevoyait pas non plus en quoi ces convulsions stériles de rébellions provinciales l’assisteraient dans sa dramatique situation. Il s’était

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