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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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homme ne sait point véritablement ce qu’il ne peut pas rendre intelligible aux autres… Lorsque l’on conçoit bien distinctement soi-même ce dont on parle, il n’est pas possible qu’on ne le rende sensible et clair à ceux qui écoutent, la parole extérieure n’étant que la vive et naturelle image de la parole intérieure »… C’est pourquoi la France est le phare du monde !
    — Je salue le philosophe capable de tels éloges envers le pays qui a dévasté et ruiné celui de ses ancêtres, martyrisé tout un peuple laborieux et écrasé son armée.
    — Excepté sa marine, convenez-en ! Excepté sur les mers.
    — Je le concède. Vos marins sont les meilleurs des sept mers, avant même les Britanniques… Au fond de vous-même, puisque nous devisons avec sincérité, n’entretenez-vous pas quelques ressentiments, du dégoût, de la rancœur, voire une légitime haine envers la France ?
    Affinius se renversa entre les solides bras de son vaste siège qui geignit de douleur, puis il éclata d’un grand rire qui secoua sa panse rebondie et épanouit sa barbe plus frisottée qu’un chèvrefeuille. C’était la meilleure manière de dissimuler ses sentiments véritables.
    — Je vais où l’intérêt des miens me guide, c’est humain. Deux de mes filles sont mariées en Hollande où j’ai gardé des amitiés… Mais revenons à votre Gautier. Il lui manquera un atout dans la vie…
    — Lequel ? s’inquiéta Géraud.
    — Sans vouloir vous offenser, je trouve votre garçon plutôt malingre. Je suppose qu’il tient cette constitution de sa mère. Vous savez l’impérieuse nécessité de se préserver physiquement – vous-même êtes bien bâti et charpenté – avant de défendre des idées. Sa souplesse peut devenir un avantage s’il sait manier convenablement une lame.
    — Vous devancez notre projet. Nous en avons déjà parlé. J’attendais que Gautier se… remplume un peu d’une maladie d’enfance. C’est une discipline que je maîtrise et compte lui enseigner bientôt.
    — J’en serai rassuré et…
    Des bruits, des exclamations, à l’autre extrémité de la bâtisse le dispensèrent de poursuivre :
    — J’ai ouvert une académie publique destinée à tous les beaux esprits du royaume de France où je me sens bien, telle est ma conclusion à cette agréable conversation, monsieur Lebayle. À mon sincère regret, nous ne pourrons épiloguer sur le sujet car j’entends que le cours d’astronomie s’achève et je prédis que Gautier frappera à cette porte avant une minute.
    Ce qui se confirma.
     
    Gautier monta en croupe et ils prirent la direction de la porte Saint-Antoine. Géraud lui proposa de souper dans une agréable petite hostellerie. L’invitation fut acceptée sans effusions et à la condition qu’ils opèrent un crochet par leur logis afin de changer de tenue. Dans son dos, Géraud percevait une certaine agitation comme si le faux garçon inquiet surveillait les alentours. Il s’interdit toute remarque à ce sujet et incita Jurance à allonger sa foulée, se demandant ce qui motivait cette froideur dont la précoce tombée du jour n’était pas l’unique raison. Se pouvait-il que la triste nouvelle qu’il lui avait tue ait franchi l’enceinte du pensionnat ?... Comment et par qui Lisa aurait-elle appris le tragique destin de sa sœur ?... À moins que cette attitude réservée soit une manière de marquer l’amertume d’une trop longue claustration, d’une trop longue séparation ? La position équestre ne favorisait pas une saine explication. Celle-ci serait peut-être plus commode devant un appétissant repas chaud.
    Sous un ciel encombré qui appelait la nuit avec une heure d’avance, la Bastille se révélait encore plus imposante et rébarbative. Ils trottèrent jusqu’à la Seine à la surface de poix lisse sans reflet qu’ils longèrent. Ils traversèrent au pont Notre-Dame, laissèrent Jurance dans la cour voisine sans prononcer une parole et évitèrent de croiser la logeuse.
    Quel autre contentieux justifiait une telle froideur, une telle hostilité ? Lebayle était prêt à affronter un orage et décidé à ne pas s’en laisser conter. Sa conscience était tranquille et il n’accepterait aucun reproche. Il patienta en arpentant ses deux pièces tandis que les froissements dans l’alcôve duraient plus que nécessaire. Du moins lui semblait-il… La situation lui paraissait étrange…
    Le rideau s’écarta enfin et ce

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