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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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cabale extravagante mais réalisable. Il compte en tirer le plus grand profit, sans doute à notre détriment.
    — Quel est son plan, si toutefois il vous en a informé ?
    — Je vous l’ai suggéré : il compte enlever le dauphin et s’en servir de monnaie d’échange. Il nous demande de faciliter la prise en charge de celui-ci à Quillebeuf sur un navire hollandais. Il ne peut se dispenser de notre aide.
    Rohan s’assit lentement dans son fauteuil. Il se sentait pris dans un piège implacable duquel il ne parviendrait à s’arracher que par ses propres moyens. La sueur lui ruisselait le long des tempes. Il ne pouvait dénoncer l’odieux projet : il n’était pas en odeur de sainteté à la cour. Et qui accréditerait cet extravagant stratagème hollandais ?
    La Tréaumont vit faiblir le chevalier. Il devança sa réaction :
    — C’est une chance qu’Affinius se soit confié à moi parce que nous nous connaissons de longue date. Il dispose de soutiens puissants que nous n’avons pas. Pour l’instant, il nous considère comme des alliés incontournables. Confortons-le au mieux dans cette opinion. Donnons-lui des preuves de collaboration et de bonne volonté. Il nous revient, au moment propice, de renverser l’affaire à notre avantage unique, en nous saisissant de lui et de ses comparses, la main dans le sac, avec la garantie de témoins officiels sur lesquels j’ai quelques vues.
    — Cela semble parfait… parfait ou presque. Cependant, il n’est pas question – je le réaffirme avec la plus grande fermeté – que mon nom soit associé à cet imbroglio, ne serait-ce qu’évoqué. D’autre part, j’exige que tout ce qui sera envisagé me soit soumis en amont et en priorité exclusive. Enfin, je veux tout connaître des agissements de Van den Enden et de vos amis normands. Tout, absolument tout ! Est-ce compris ?
    « Comme la peur peut conduire au paradoxe ! » pensa La Tréaumont en approuvant sans restriction et sans ambiguïté apparente. Il rassura Rohan au mieux afin qu’il ne vienne pas à celui-ci, ébranlé, l’envie de lui demander la nature de cette carte qui dépassait de son autre manche !
    — Tout sera respecté à la lettre et selon vos vœux. Reposez-vous sur moi, chevalier.
    Ils se mesurèrent du regard, sans ciller, chacun cherchant à percer les pensées profondes de l’autre afin d’y lire ce qu’il en espérait ou d’y débusquer la faille redoutée.

XXVI
    D ES BOURRASQUES SIBÉRIENNES rabotaient sauvagement la plaine, déchiraient les arbustes, pelaient les champs à nu, mâchaient les haies, soulevaient les cailloux et les semaient en grêles fracassantes.
    Arc-bouté, un fantomatique cavalier penché sur sa monture luttait à chaque foulée sans paraître avancer sur l’immensité grise et noire. Devait-il s’acharner ou concéder la défaite et battre en retraite ?… Depuis une heure que les éléments s’étaient déchaînés, Lebayle et Jurance n’avaient parcouru qu’une demi-lieue. La nature avait-elle décidé de le contrarier pour l’empêcher d’assurer la mission confiée par monsieur de La Reynie ? Dieu désirait-il le mettre en garde contre des dangers qui l’attendraient en Normandie, l’obliger à s’abriter un jour ou deux afin de les éviter ?... N’y avait-il aucune raison précise ? Il pouvait se poser toutes les questions qu’il voulait, il n’obtiendrait aucune réponse.
    Il atteignit un hameau désert. Le chaume des toits s’arrachait par poignées. Une avalanche de fumier encombrait l’unique rue. La jument y pataugea en levant haut les paturons. Des tourbillons en avaient crépi les façades. Ils ne s’arrêtèrent pas.
    Deux étourneaux naufragés de la tourmente, dans l’incapacité de se poser sans dommages, réalisaient des figures acrobatiques fulgurantes. Ces deux pointes de flèche se croisaient, tiraient des bords, vrillaient mais restaient à vue l’une de l’autre. Les passereaux disparurent dans les nuées qui s’effilochaient vers l’est.
    Géraud se cramponnait à son chapeau, serrait les pans battants de son manteau, respirait à petites bouffées un air trop vif. À quoi bon insister ?... Il n’avait rencontré aucun havre convenable depuis les courtes prémices de la tempête. De mémoire, une auberge était tapie dans les environs. L’image d’un bon feu l’encouragea. Mais les distances ne signifiaient rien. Seule la nuit était un repère, une limite infranchissable, hélas sans

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