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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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aussi leur responsabilité.

    Puis il invite le
ministre à partager son repas. Au cours du dîner,
Balachov ayant précisé l'existence de trois cent
quarante églises à Moscou, l'Empereur demande :

    – Pourquoi
tant d'églises ?

    – Parce que
notre peuple est dévot.

    – Bah ! on
est plus dévot de nos jours.

    – Je vous
demande pardon, Sire, ce n'est pas partout de même. On est
peut-être plus dévot en Allemagne et en Italie, mais on
est encore dévot en Espagne et en Russie.

    Napoléon
marque le coup, puis, s'il faut en croire Balachov, après un
silence, il aurait posé cette question invraisemblable pour un
homme qui, depuis trois mois, ne cesse de regarder la carte de
l'Empire russe :

    – Quel est
le chemin de Moscou ?

    – Sire,
cette question est faite pour m'embarrasser un peu. Les Russes
disent, comme les Français, que tout chemin mène à
Rome. On prend le chemin de Moscou à volonté ; Charles
XII l'avait pris par Poltava.

    Mais Balachov
a-t-il vraiment osé lancer une telle réponse ? On est
en droit d'en douter...

    – Est-il
vrai, lui demande Napoléon, que l'empereur Alexandre allait
tous les jours à Vilna prendre le thé chez une beauté
d'ici ? Comment l'appelez-vous ? demande-t-il à Turenne qui
assiste à l'entretien.

    – Soulistrowska,
Sire.

    – Oui,
Soulistrowska.

    Napoléon se
tourne vers Balachov et l'interroge du regard.

    – Sire,
répond le ministre, l'empereur Alexandre est ordinairement
galant avec toutes les femmes, mais à Vilna, je l'ai vu occupé
à tout autre chose.

    Napoléon
interpelle maintenant Caulaincourt :

    – Eh bien,
pourquoi ne dites-vous rien, vieux courtisan de la cour de
Saint-Pétersbourg ? Ah ! dit-il, en le frappant légèrement
sur la joue, l'empereur Alexandre traite bien les ambassadeurs : il
croit faire de la politique avec des cajoleries. Il a fait de vous un
Russe !

    Caulaincourt prend
fort mal la taquinerie impériale et répond de méchante
humeur :

    C'est sans doute
parce que ma franchise a trop prouvé à Votre Majesté
que je suis un bon Français qu'elle veut avoir l'air d'en
douter. Les marques de bonté de l'empereur Alexandre étaient
à l'adresse de Votre Majesté ; comme votre fidèle
sujet, Sire, je ne les oublierai jamais

    – Vous avez
eu tort de vous courroucer... Vous vous attristez sans doute du mal
que je fais à votre ami.

    Mais Caulaincourt,
de plus en plus vexé, sollicite de recevoir un commandement en
Espagne et la permission « de servir loin de Sa Majesté ».

    – Mais
qu'est-ce qui vous prend ? s'exclame Napoléon. Qui met votre
fidélité en doute ? Je sais bien que vous êtes un
brave homme. Je n'ai fait qu'une plaisanterie. Vous êtes trop
susceptible. Vous savez combien je vous estime. Dans ce moment vous
déraisonnez. Je ne répondrai plus à ce que vous
me dites.

    Caulaincourt finit
par se calmer.

    Balachov parti
pour rejoindre le tsar au camp de Drissa, Napoléon constate :

    – Alexandre
se moque de moi. Croit-il que je suis venu à Vilna pour
négocier des traités de commerce ? Je suis venu pour en
finir une bonne fois avec le colosse barbare du Nord. L'épée
est tirée. Il faut les refouler dans leurs glaces afin que, de
vingt-cinq ans, ils ne viennent pas se mêler des affaires de
l'Europe civilisée... Aujourd'hui Alexandre voit que c'est
sérieux et que son armée est coupée, il a peur
et voudrait s'arranger, mais c'est à Moscou que je signerai la
paix. Depuis Erfurt, Alexandre a trop fait le fier. L'acquisition de
la Finlande lui a tourné la tête. S'il lui faut des
victoires qu'il batte les Persans, mais qu'il ne se mêle pas de
l'Europe. La civilisation repousse les habitants du Nord. L'Europe
doit s'arranger sans eux.

    Balachov emporté
une lettre de l'Empereur pour le tsar, dans laquelle il lui déclare
que « Dieu même ne pouvant faire que ce qui a été
n'ait pas été », il n'est pas question pour
Napoléon de rebrousser chemin, mais « il garde
l'oreille ouverte à des paroles de paix ». Et il
précise : « Un jour viendra où Votre Majesté
s'avouera qu'elle a manqué de persévérance, de
confiance et, qu'elle me permette de le dire, de sincérité
: elle a gâté tout son règne. »

    À Vilna,
durant dix-huit jours, Napoléon est d'une activité
extraordinaire, multipliant les revues, les instructions et les
reconnaissances de l'autre côté de la rivière :
« Les nuits ajoutées aux jours ne lui suffisaient
pas, remarque Caulaincourt. Aides de camp,

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