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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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puissants. On n'eut même pas besoin d'ordonner ; ce
peuple n'avait point encore assez d'idées pour juger par
lui-même, pour distinguer et établir des différences
: l'exemple des nobles suffit. »

    Des troupes
françaises, seule la Garde demeura au centre de Moscou, les
autres régiments iront camper dans les faubourgs. Des
contingents polonais, bavarois, suisses, espagnols, wurtembergeois,
saxons, demeureront également dans la ville même. Ce
sont les Polonais qui se montreront les plus indisciplinés :
« Une haine violente contre les Russes, nous dit l'émigré
français Beauchamp, caractérisait leur discours. »

    Duroc vient
annoncer à l'Empereur que le Kremlin est encore occupé
par une quantité d'individus armés. Ce sont pour la
plupart les malfaiteurs que Rostopchine avait fait sortir des
prisons, et qui tiraient des coups de fusil sur la cavalerie de
Murat... Malgré plusieurs sommations, ils s'obstinent à
ne pas ouvrir les portes.

    – Tous ces
malheureux sont ivres, précise le maréchal, et refusent
d'entendre raison.

    – Que l'on
ouvre les portes à coups de canon, ordonne l'Empereur, et
qu'on en chasse tous ceux qui s'y trouvent !

    Ainsi fut fait et
la porte Troïtski vola en éclats, mais les officiers
supplient Napoléon de ne pas entrer immédiatement dans
la ville ; il y a, dans le faubourg de Dorogomilov, non loin de la
grand-route, une grande maison en bois assez misérable où
sa Majesté Impériale pourrait loger.

    La chambre dans
laquelle Napoléon passera sa première nuit est d'une
saleté à frémir, l'odeur à tomber.

    – Dormez-vous,
Constant ? demande empereur à son valet de chambre.

    – Non, Sire.

    – Mon fils,
brûlez du vinaigre, je ne puis tenir à cette odeur
affreuse, c'est un supplice, je ne puis dormir.

    Le valet de
chambre fait brûler du vinaigre, mais sans aucun résultat.
Un jardin entoure la maison que les grognards appellent le palais ,
puisque l'Empereur y loge Dans ce jardin, les soldats de la Garde
trouvent des choux qu'ils dévorent, n'ayant rien mangé
depuis la veille. Pendant ce temps, les soldats se sont répandus
dans les faubourgs et dans la ville pour chercher de la nourriture.
L'un d'eux – le comte polonais Soltyk – qui a pénétré
dans la Maison d'éducation des demoiselles, entend –
horrifié – une jeune élève s'exclamer avec
haine :

    – Des vivres
pour les Français ? Le mastic des vitres est assez bon pour
les nourrir !

    Soltyk,
« fortement frappé », poursuit sa route.
« Un sinistre et solennel silence règne dans
Moscou, écrit-il. Il n'était interrompu de loin en loin
que par l'explosion des matières inflammables, les
gémissements des victimes, ou les imprécations de
quelques soldats qui voyagent avec désespoir d'immenses
richesses échapper à leur rapacité. »
Le lieutenant Chevalier lui aussi, sa garde terminée, entre
dans des maisons « où de pauvres misérables
mouraient de faim. Nous trouvions de malheureuses femmes qui nous
présentaient leurs petits enfants pour les manger ; on avait
fait croire à ces superstitieux que nous étions un
peuple anthropophage... ».

    Une heure après
l'entrée de la Garde se développe un terrible incendie.
Le soir du 14 septembre, un globe de feu éclate et donne
l'éveil aux habitants. Une maison est déjà la
proie des flammes, tandis que de l'autre côté du pont de
Pierre, le grand magasin d'eau-de-vie appartenant à la
Couronne est en feu. Vers 11 heures du soir, l'incendie se propage
avec violence dans les boutiques situées près de la
Bourse : des magasins remplis d'huile et de suif brûlent comme
des torches. Kitaï-Gorod, la cité chinoise, n'est plus
qu'une flamme.

    Napoléon,
aussitôt prévenu, ne parvient pas à croire au
sinistre.

    – Cela n'est
pas possible, crois-tu cela, Constant ? Va donc voir si cela est
vrai.

    « Et
là-dessus, il se rejetait sur son lit, essayant de reposer un
peu ; puis il me rappelait encore pour me faire les mêmes
questions. »

    Cependant les
foyers d'incendie n'empêchent pas l'Empereur, le mardi 15, à
peine le jour levé, de monter Émir et de se diriger
vers le cœur de la ville par l'Arbat. La rue habituellement la
plus fréquentée de Moscou et qui, comme la veille, est
désespérément vide ce matin-là... Le
drapeau tricolore flotte sur le Kremlin. L'Empereur fait le tour des
longues murailles en brique, construites, voilà six siècles,
par le duc Daniel, pénètre dons la cité par la
Koutafia,

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