La campagne de Russie de 1812
réponds. Pour le reste, un
grand courage suffira. Ceux des chevaux qu'on ne pourra pas nourrir,
il faudra les faire saler. Quant aux logements, si les maisons
manquent, les caves y suppléeront ! Ainsi, on attendra le
printemps où nos renforts et toute la Lituanie armée
viendront nous dégager, s'unir à nous et achever la
conquête !
– Ceci est
un conseil de lion, lui répond l'Empereur.
Mais que dirait
paris ? Qu'y ferait-on ? Que se passe-t-il depuis trois semaines que
la ville est sans nouvelles de moi ? Qui peut prévoir l'effet
de six mois sans communication !
Bref on partira !
Junot reçoit
l'ordre de brûler toutes les crosses des fusils des blessés,
et de faire sauter les caissons en surnombre. Et – ultime
tentative de paix – le 16 octobre, Lauriston est de nouveau
envoyé aux avant-postes russes pour tenter une dernière
démarche, dont il reviendra le lendemain, n'apportant avec lui
aucune réponse de Koutouzov.
Le dimanche 18
octobre, Napoléon passe en revue le corps de Ney dans la cour
du Kremlin. « Je vis cet homme de petite stature et de
forte corpulence, raconte l'émigré Beauchamp, descendre
les degrés du château ; un nombreux état-major,
des maréchaux, des généraux l'entouraient. La
musique militaire annonça son arrivée ; il s'avança
à cinquante pas du front de la troupe ; il était vêtu
d'une redingote verte et son chapeau était enfoncé
d'une manière singulière jusque sur ses yeux méchants
et scrutateurs. »
On entend au loin
tonner le canon. Soudain, Béranger, jeune aide de camp de
Murat, arrive au grand galop : les premières lignes du roi de
Naples situées à Vinkovo ont été
culbutées par quatre-vingt mille hommes ayant Bennigsen à
les tête ! Selon le lieutenant Tchitcherine, « les
Français de l'avant-garde, saisis de panique, ont abandonné
tout leur train. Les fossés sont remplis de leurs équipages,
les ravins et les buissons de leurs caisses de munitions et
d'équipements d'hôpitaux ! Ils ont perdu trente-trois
canons et beaucoup de prisonniers. Jusqu'à la tombée de
la nuit, les troupes de Murat ont poursuivi leur retraite en désordre
et ensuite notre armée est revenue sur ses positions ».
« Mais
il est faux que notre armée ait pris la fuite, écrit
Labaume de son côté. Le roi de Naples qui se trouvait à
pied au moment de cette surprise en fut à peine informé
que, sur-le-champ, il monta à cheval et se porta, avec son
état-major, au milieu de l'action qu'il dirigea avec
intrépidité, à mesure que notre cavalerie se
formait. Les cosaques, obligés de fuir, abandonnèrent
les vingt pièces de canon, l'infanterie russe s'avança
pour les soutenir, alors
le combat devint général et, de part et d'autre, on se
battit avec acharnement. » Quel fut le bilan, selon une
source plus objective ? Douze canons français, vingt caissons,
trente fourgons sont pris, deux généraux sont tués
et trois à quatre mille hommes perdus. Fort heureusement,
Poniatowski, qui se trouve à l'avant-garde, a pu résister
et arrêter l'avance ennemie.
« La
préoccupation de l'Empereur se peint sur sa figure, nous dit
Fezensac, et il précipite la revue. »
– Il faut
laver l'affront de cette surprise ! s'exclame-t-il. Il ne faut pas
qu'on dise en France que l'échec nous a forcés à
nous retirer. Quelle bêtise a fait le roi de Naples !
Il se reproche
d'être demeuré à Moscou alors qu'il aurait dû
visiter les positions de Vinkovo où Murat venait d'être
battu :
– Il faut
que je voie tout par mes yeux. Le roi de Naples se fie sur sa
bravoure, selon les rapports de ses généraux. Mais
ceux-ci sont négligents. Le roi fait des prodiges de valeur.
Sans sa présence d'esprit et son courage, tout eût été
pris et lui-même compromis, si les Russes avaient eu d'autres
chefs !
Puis il envoie
« mille ordres d'ensemble et de détail ».
– C'est par
la route du sud qu'il faut gagner Smolensk, décide-t-il de
nouveau.
– Marchons
sur Kalouga, et malheur à ceux qui se trouveront sur mon
passage !
Le combat de
Vinkovo aurait certainement eu de plus graves répercussions si
Koutouzov n'avait pas eu une attitude aussi passive. Du moins, s'il
faut en croire Bennigsen qui écrira le 22 octobre à sa
femme : « Quelles auraient été les suites de
cette belle et brillante journée, si j'avais été
soutenu et si j'avais osé continuer plus loin cette affaire
? » Bennigsen reproche surtout au maréchal d'être
demeuré à
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