La campagne de Russie de 1812
auprès du tsar pour obtenir la
paix ».
Il renchérit
même en déclarant à Ney :
– La
position de Moscou avec ses ruines et les ressources conservées
est encore préférable à toute autre en Russie.
La paix ne peut se faire que là. D'ailleurs, le temps est
superbe. On se trompe sur le climat. L'automne est plus beau à
Moscou qu'à Fontainebleau, répète-t-il.
Cependant, un
autre jour, Napoléon semble avoir encore changé d'avis
et affirme :
– Moscou est
une mauvaise position. Il faudrait n'y rester que le temps nécessaire
pour se réorganiser. Les Autrichiens et les Prussiens qui sont
des alliés chargés de défendre nos derrières
deviennent nos plus dangereux ennemis au moindre revers.
Quand est-il
sincère ? Il est certain que les cosaques se montrent de plus
en plus menaçants. Ils attaquent sans répit les
fourrages et font des incursions fréquentes sur la route de
Moscou à Mojaïsk.
« Les
pertes de la bataille, l'état de sa cavalerie, nous dit
Caulaincourt, rien n'a certainement autant préoccupé
l'Empereur que cette apparition de quelques cosaques sur nos
arrières. » Berthier est du même avis que
Caulaincourt. Il ose affirmer à l'Empereur qu'il leur faut
quitter Moscou le plus tôt possible et se rapprocher de la
Pologne.
– Vous
voulez aller à Grosbois voir la Visconti [la belle maîtresse
de Berthier] ? lui lance méchamment l'Empereur.
Mais le lendemain,
il tergiverse et, cette fois, penche pour le départ. Demeurer
à Moscou ? Y hiverner ?
– Mais que
dirait Paris ! s'exclame-t-il. On ne peut prévoir l'effet de
six mois sans communication ! Non, la France ne s'accoutumerait pas à
mon absence, la Prusse et l'Autriche en profiteraient.
Les problèmes
s'amoncellent : « On est toujours sur le qui-vive, soupire
Caulaincourt, l'artillerie, déjà si réduite et
si fatiguée, n'a aucun repos. Les chevaux, qui n'ont pas de
service, se rendent comme ceux de la cavalerie, au bois, au fourrage
et les hommes aux vivres. »
Un convoi
d'artillerie est attaqué et les cosaques s'emparent de
plusieurs caissons près du château de Wezianino où
l'Empereur avait couché le 13 septembre, peu avant son arrivée
à Moscou.
Au cours de la
nuit du 25 au 26 septembre, la route de Mojaïsk est coupée
par des dragons russes et des détachements de cosaques. Des
escadrons de chasseurs et des dragons de la Garde sont aussitôt
expédiés afin de dégager le passage. Mais ils
essuient un lourd échec ! Une partie des deux escadrons est
faite prisonnière. « Cet événement,
nous dit amèrement Caulaincourt, fit alors plus d'impression
sur tout le monde que la mise hors de combat de cinquante généraux
à la bataille de la Moskova. » Les communications
avec la France deviennent de plus en plus incertaines. Paris ne
reçoit plus chaque jour les ordres de l'Empereur et Napoléon
attend vainement à Moscou le travail de ses ministres, les
rapports des gouverneurs et les nouvelles de l'Europe.
Le mardi 13
octobre, la première neige tombe sur Moscou...
Elle fondra dans
la journée, mais, ainsi que le dira le comte de Ségur,
avec ces premiers flocons, « tombèrent toutes les
illusions dont l'Empereur cherchait à s'environner... ».
Deux jours plus tard, le général Jean-Dominique Compans
écrivait à son épouse : « Il pleut,
il gèle, il neige, il dégèle aujourd'hui, il
fait un brouillard à couper au couteau... » La
lettre, saisie, elle aussi, a dû réjouir l'état-
major de Koutouzov.
Pourquoi la Grande
Armée ne passerait-elle pas à l'attaque ? Murat occupe
toujours les avant-postes où se déroulent des combats
sporadiques et meurtriers. L'Empereur ne pourrait-il pas quitter
Moscou et le rejoindre ? À 2 heures du matin, le 13 octobre,
Ney écrit au roi de Naples : « Il faut trois jours
à l'armée pour arriver à votre hauteur ; c'est
donc encore quatre à cinq jours que vous avez à passer,
et pour peu que vous craigniez que l'ennemi vous attaque, ou que la
nature des choses vous rende impossible d'éviter les pertes
que vous avez faites depuis huit jours, vous avez la ressource de
prendre la position « Voronovo. »
Mais on tergiverse
toujours, et le projet n'aura pas de suite. Ce même 13 octobre,
Ney écrit à Koutouzov pour lui demander de donner à
la guerre un caractère qui ménagerait le pays au lieu
de le dévaster. Le maréchal lui répond
froidement :
– Un peuple
qui n'a pas vu d'ennemis sur son sol depuis trois cents ans n'est
Weitere Kostenlose Bücher