La campagne de Russie de 1812
de
six voitures, toutes débordantes d'objets hétéroclites
!
– Le premier
raid de cosaques aura raison de tout cela, se contente de déclarer
Napoléon en donnant l'ordre de brûler les voitures qui
ne sont pas indispensables.
Mais chacun trouve
son véhicule essentiel et ne veut absolument pas s'en passer !
L'Empereur hausse les épaules et poursuit son chemin qui
deviendra vite pour tous un chemin de croix... Les régiments
sont accompagnés de bœufs « maigres comme des
chats » et de vaches tout aussi épiques qui
mourront d'ailleurs rapidement sans qu'on doive les abattre. Quant
aux chevaux, dès qu'ils tombent, ils forment l'aliment
principal de bien des régiments. Les privations commenceront à
se faire sentir, en effet, dès le début de la retraite.
La répartition des vivres a été « lamentable ».
Telle unité a conservé quelques bœufs, mais est
privée de pain, telle autre possède de la farine, mais
manque de viande.
*****
Le mercredi 21
octobre, l'officier russe des hussards de la Garde, Théodore
Akinfov, reçoit l'ordre de porter à Koutouzov la
nouvelle du départ de la Grande Armée de Moscou. « La
nuit était chaude, a-t-il raconté, la lune brillait au
ciel. Disposant d'un cheval excellent, j'arrivai au quartier général
avec une rapidité remarquable. » Koutouzov reçoit
le hussard assis sur son lit. Il est revêtu de sa tunique
portant toutes ses décorations.
– Raconte-moi,
lui dit-il, « majestueux et la joie perçant dans
ses yeux », Napoléon a-t-il effectivement abandonné
Moscou ? Raconte-moi vite, tu me fais languir !
Théodore
Akinfov obéit. Le vieillard se tourne alors vers l'icône
du Sauveur et s'écrie, les larmes dans la voix :
– Dieu, mon
Créateur, tu as enfin entendu nos prières ! À
partir de ce moment, la Russie est sauvée !
Napoléon a
demeuré trente-deux jours au Kremlin. Pendant ce temps,
Koutouzov est parvenu à réunir 85 000 fantassins et 35
000 cavaliers, sans parler de 200 000 miliciens tenus en réserve.
Apprenant que Napoléon se dirige maintenant vers Kalouga,
pour, vraisemblablement, s'engager sur la route du sud et remonter
ensuite vers Smolensk, où il semble peut-être vouloir
hiverner, Koutouzov décide, avec une partie de ses forces –
le temps lui manque pour en rassembler davantage – de barrer la
route à la Grande Armée. Il choisit, derrière la
petite ville de Malo-Iaroslavetz, une puissante position où il
espère pouvoir rejeter l'Empereur sur la vieille route de
Smolensk, celle-là qui fut déjà suivie lors de
la marche vers Moscou et qui a totalement été razziée.
Elle sera la perte de la Grande Armée. Ce n'est plus
maintenant Napoléon qui impose sa volonté à ses
adversaires...
L'armée
passe par Voronovo, devant le château de Rostopchine qui n'est
plus qu'une ruine calcinée. A l'entrée de ce qui avait
été la demeure du gouverneur de Moscou a été
accroché un écriteau écrit en langue française
:
J'ai le feu à
mon châteaux qui me coûta un million, pour qu'aucun chien
de Français n'y loge .
Le 22 octobre, à
Fimenskoe, les troupes sont intriguées par les fameuses
montagnes russes dont l'escalier est flanqué d'une manière
de rampe sur laquelle l'hiver on jette de l'eau. Il se forme alors
une couche de glace. Napoléon, tout en causant avec Ney, monte
sur la machine et reste quelque temps sur la plate-forme. À
cette époque, il n'y a pas encore de glace, aussi Napoléon
ne peut-il se livrer au plaisir d'une glissade...
Le samedi 24
octobre, l'Empereur s'arrête au hameau de Gorodnia, à
deux kilomètres de Malo-Iaroslavetz, dans une vieille cabane
vermoulue appartenant à un tisserand et dont la seule pièce,
sale et obscure, comme toutes les isbas, a été divisée
en deux parties par une simple toile. C'est là qu'à 11
heures du soir, le maréchal Bessières fait son entrée.
Il a soigneusement observé le front de la position tenue par
les Russes, au-delà de Malo-Iaroslavetz, et conclut :
– Elle est
inattaquable !
Peut-être,
tout au plus, pourrait-on occuper Malo-Iaroslavetz qui est située
si une hauteur au pied de laquelle coule la Louja dans un lit
marécageux. Mais, ensuite, le verrou est fermé
par une forêt impénétrable.
– Avez-vous
bien vu ? interroge l'Empereur. M'en répondez-vous ?
Bessières
en est convaincu :
– Trois
cents grenadiers suffiraient là pour arrêter une armée
!
Le comte de Ségur
voit Napoléon se croiser les bras d'un air
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