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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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pas
susceptible des distinctions que les occupations fréquentes et
la manière moderne de faire la guerre ont établies
parmi les nations civilisées.

    Brusquement, la
décision est prise : le repli sur Smolensk ! On pourrait y
hiverner et, au printemps, marcher sur Saint-Pétersbourg.

    – Il ne
s'agit en aucun cas d'un repli, mais d'une marche stratégique,
précise Napoléon. Mon armée n'est pas battue,
que je sache !

    Elle l'était
pourtant...

    Dès lors,
l'Empereur ne songe plus qu'à la retraite, sans toutefois oser
prononcer ce mot terrible pour lui et qu'il n'a pas employé
depuis Saint-Jean-d'Acre... Il se contente de déclarer que
« dans vingt jours il faudra que l'armée soit en
ses quartiers d'hiver ».

    Cette fois, il en
a pris son parti :

    – C'est un
malheur sans doute, mais ce malheur est bon à quelque chose,
autrement je n'aurais pu établir l'ordre dans une si grande
ville, contenir une population de trois cent mille âmes, et
coucher au Kremlin sans y être égorgé. Ils ne
nous ont laissé que des décombres, nous y sommes
tranquilles. Sans doute des millions nous échappent, mais que
de milliards perd la Russie ! Voilà son commerce ruiné
pour un siècle ! La nation est retardée de cinquante
ans : c'est toujours un grand résultat ! Quand le premier
moment d'ardeur sera passé, la réflexion les
épouvantera.

    Il se penche
longuement sur l'itinéraire. Combien de temps mettra l'armée
pour rejoindre le Niémen ? Car on ne pense déjà
plus à Smolensk. Selon le comte Dumas. il fallait compter
quarante-cinq à cinquante jours. Le grand problème
demeure le transport des douze mille blessés et malades.
Jamais ils ne pourront supporter un aussi interminable voyage. Aussi
expédie-t-on d'abord une avant-garde d'invalides placés
sous les ordres de quelques officiers, eux-mêmes blessés.
« On y joignit des soldats amputés, nous dit
Caulaincourt, et les cadres de sous-officiers, pris dans tous les
régiments et destinés aux nouveaux corps qu'on
organisait en France. Chacun dut fournir des chevaux et des voitures.
L'Empereur donna l'exemple ; l'administration des ambulances
n'existant plus à l'armée que sur le papier, M. le
lieutenant général de Nansouty, blessé lui-même,
eut le commandement de ce convoi qui passa le Niémen avant que
le froid devint vigoureux et arriva heureusement en France. »

    Les attelages
manquent à l'artillerie, désormais trop nombreuse pour
une armée réduite à cent mille hommes, mais
l'Empereur s'irrite lorsqu'on lui propose de laisser une partie des
canons dans Moscou.

    – Non,
l'ennemi s'en ferait un trophée ! Tout marchera avec moi !

    Avec inconscience
– à moins qu'il ne veille toujours nier l'évidence
– il ordonne, comme s'il se trouvait aux Tuileries, l'achat de
vingt mille chevaux ! Il demande également « que
les corps se confectionnassent et se munissent pour quinze jours de
biscuit, comme si l'on avait eu des moyens de transport »,
et il exige que la cavalerie s'approvisionne en fourrages « pour
deux mois ». Alors que depuis quelques jours, les
détachements envoyés fourrager pour la nourriture d'une
journée reviennent bredouilles !

    Il ne veut pas
avouer sa défaite. Les aides de camp médusés
voient leur maître passer ces dernières journées
au Kremlin « à discuter le mérite de
quelques vers nouveaux qu'il vient de recevoir, ou se pencher sur le
règlement de la Comédie-Française de Paris,
qu'il met trois soirées à achever » ! Puis,
rapporte encore Ségur, « on le voyait
s'appesantissant, passer de longues heures à demi couché,
comme engourdi, et attendant, un livre à la main, le
dénouement de sa terrible histoire ». Toujours la vie de Charles XII , le vaincu de la marche sur Moscou ! De
même que cent trente ans plus tard, Hitler, au Berghof puis
dans son Repaire du Loup, lira et relira une traduction de la Campagne de Russie du comte de Ségur... La nuit,
Napoléon fait placer deux bougies allumées devant la
fenêtre de sa chambre afin que les soldats passant devant le
Kremlin soient persuadés que leur maître prolonge ses
veilles pour travailler.

    Entre deux
rêveries, Napoléon trace le plan de la retraite :

    – Il faut
marcher sur Koutouzov, annonce-t-il au comte Daru, l'écraser
ou l'écarter, puis tourner subitement vers Smolensk.

    Daru essaye de
convaincre une nouvelle fois l'Empereur pour qu'il choisisse
l'hivernage à Moscou :

    – Le pain et
le sel n'y manqueront pas, j'en

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