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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Grangeot
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moi. J’ai les matériaux, les hommes pas
encore, mais ça ne saurait tarder. J’accepte. Fais-moi porter les plans. Je
travaillerai dessus toute la nuit.
    Lamotte décroche son téléphone et passe des ordres. Un
planton arrive en courant chargé de longs rouleaux de papier.
    — Voilà tes plans. Là-bas, sur place, tu auras à faire au
colonel Perrier pas encore entré « chez nous » mais, comme on dit,
qui frappe à la porte. Tu vois ce que je veux dire ? Il a des gars de la
réserve qui pourront te prêter main-forte. Je lui téléphone pour annoncer ton
arrivée. Hors tout ceci, tu ne vois rien d’autre ?
    Je laisse passer un temps mort.
    — Si, j’ai autre chose, lui dis-je sur un ton
découragé. Mon frère Frédéric est en taule ici, chez toi et je désirerais le
voir.
    Lamotte bondit en se frappant la tête du poing.
    — Mais, Bon Dieu ! c’est vrai ! C’est ton
frère. Son nom ne m’a rien dit sur le moment. Il prétend s’appeler Beauchamp.
On l’a retrouvé chez les filles de Montmartre saoul comme un cochon. Il portait
encore sur lui près de cent mille francs. Les putains ont dû le plumer !
La gendarmerie enquête.
    — Il est fou ce gamin. Parmi nous tous, il reste une
sorte de cul-de-portée, comme on dit à la campagne, le dernier de la série, un
peu loupé. Il m’a chipé une très grosse somme avant de partir. Mais ceci me
regarde personnellement. Je te prierai juste, mon frère Lamotte, de me
permettre de bavarder avec lui dans un coin tranquille. Quant aux travaux, je
te tiendrai au courant en te rapportant mon avis sur les plans demain matin
vers dix heures.
    Un sergent, accompagné d’un caporal et de trois hommes de
troupe, m’emmène au secteur disciplinaire. Ils me font entrer dans la cellule
de Frédéric puis se retirent. Frédéric sale, hirsute, pas rasé affiche un large
sourire à mon apparition.
    — Oh ! je suis content de te voir Adolphe. Quelle
histoire stupide, tu vas me tirer de là ?
    Je prends mon frère par sa chemise, le soulève de terre et
lui donne un coup de tête dans la mâchoire, puis explose :
    — Petit salaud, honte de la famille, voleur, déserteur,
flambeur de ruisseau.
    Frédéric s’agite, pleurniche, me donne des petits coups de
poings sur la poitrine en criant :
    — Laisse-moi t’expliquer, Adolphe, tu comprendras.
    Je lâche ce pantin qui retombe sur le sol. Il crie son
innocence.
    — Parle, si tu es un homme, Frédéric !
    — Oui c’est ça, tu vas m’en vouloir, mais j’ai fait ça
pour le bien.
    Entre deux hoquets et des reniflements, Frédéric me raconte
qu’il était en relation avec un ami qui lui aurait promis qu’avec une grosse
somme il se chargerait de nous faire démobiliser tous les trois tout à fait
légalement.
    — Alors Adolphe, j’ai pensé à nos affaires, à Georges,
à Henri qui a abandonné ses terres, sa femme et ses gosses. Si nous revenions,
on te sauvait toi aussi !
    Bouillonnant de colère, je le bats comme un vieux sac de
pommes de terre en criant tout ce que j’ai sur le cœur :
    — Tu es une ordure, Frédéric. Notre mère va en mourir.
Tu es un fou, un menteur chronique, un lâche, une vraie pourriture. À partir de
ce jour, je te renie de la famille et te laisse crever dans ton coin.
    Frédéric se tait, assommé, sanguinolent, émettant juste des
gémissements et des borborygmes. Je le regarde une dernière fois et sors de la
cellule pour dire au sergent :
    — Demandez à l’infirmier de passer, il a eu une crise
et c’est pas beau.
    Le lendemain à dix heures sonnantes je retrouve Lamotte qui
a l’air très soucieux :
    — Je ne te reproche pas Adolphe d’avoir foutu une
trempe à ton frère ; mais tu n’as pas frappé de main morte. Il est à
l’hôpital. J’ai étouffé l’affaire avec le médecin-chef. Tu sais ce qu’il risque
quand il ira mieux ?
    — Oui, le peloton.
    — Pour toi, et uniquement pour toi, ça n’ira pas jusque
là. D’accord, ce Bernardeau fait tache sur le nom de ta famille. Mon rapport
sera circonstancié mais il ne coupe pas des « joyeux ». Tu
connais ?
    — Des bataillons disciplinaires qu’on colle en toute
première ligne. S’il doit mourir qu’il le fasse bravement. Ma mère en restera
fière. Il aura payé sa dette à la société. S’il en réchappe, je te jure que je
le reprends en main et que je ne lui laisse rien passer.
    Un planton apporte un pli à Lamotte. Je me calme très
lentement. Il en prend

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