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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Grangeot
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Rabier ».
    — Ne vous inquiétez pas. Monsieur Rabier me prie
d’aller à Argenton-sur-Creuse pour contrôler la construction du pont que dirige
mon vieil Ours.
    — Où c’est Marjanton ? demande Frédéric.
    — Argenton, rectifie mon père, dans l’Indre près de
Châteauroux.
    — Tu pars quand, mon grand ? s’affole ma mère.
    — Il a juste le temps d’attraper la diligence pour
Vierzon puis de descendre tout droit en direction de Limoges. Argenton se
trouve sur la route, conclut mon père.
    Tout le monde s’agite. Mes sœurs cherchent mes affaires, les
plient, me les rangent dans la valise. Ma mère fait un paquet contenant du
pain, du lard, des oignons, des pommes. Mon père y ajoute deux bouteilles de
vin rouge. Les gamins jouent aux « mouches du coche » en piaillant et
en se disputant. Enfin arrive le moment des adieux. Chacun y va de ses
souhaits, en parlant déjà de mon retour. On me remercie pour les cadeaux. Il faut
que je n’oublie pas de saluer Beauceron, Rabier, Carde, Berthomieu, ainsi que
tous les compagnons dont les noms leur viennent aux lèvres comme des grains de
chapelet. Nous nous embrassons avec chaleur. Ma mère se retient de pleurer, mon
père prend son visage dur pour masquer son attendrissement. Je descends la rue.
Je me retourne et aperçois de jeunes mains qui s’agitent avec allégresse,
d’autres plus doucement caressent l’air.
    La diligence déjà arrivée se prépare à partir. Je paie et
monte. À Vierzon, je couche dans une auberge près du relais de poste ;
puis, le lendemain, juste avant le déjeuner, j’arrive à Argenton-sur-Creuse. Il
est là. Un grand sourire éclaire son visage. Ses bras se croisent, se
décroisent. Mon bon Ours me donne l’accolade à la façon d’un cousin de province
très empressé.
    — Enfin te voilà mon petit. Tu as reçu le
télégramme ?
    — Bien sûr ! puisque je suis là, vieux coterie, je
réponds en riant.
    — Suis-je bête de te poser cette question ! Viens,
on va boire un petit coup vite fait, parce que La Marianne nous attend pour le
dîner.
    — Tu devrais dire le déjeuner, c’est plus moderne.
    Beauceron hausse les épaules et éclate de son bon gros rire.
Dans un coin de la salle, il m’interroge sur la famille, sur mon père, sur mon
tirage et conclut :
    — En somme, tout va bien pour toi, Monsieur
l’inspecteur. Tu viens me contrôler, alors faut que je me méfie. Allons-y, faut
pas être en retard pour la cuisine.
    Marianne m’accueille avec chaleur et amitié.
    — Asseyez-vous, j’espère que vous allez vous régaler.
    Eh bien oui ! je me régale, je déguste, et même en
reprends un certain nombre de fois de ses bons plats mitonnés au vin rouge ou à
la crème. Beauceron me parle du chantier avec fougue puis aborde les points
difficiles. Je les observe tous les deux. Ils sont merveilleux. Mon Ours a
beaucoup changé. Il mange avec une certaine tenue, encore un peu pataude, mais
il ne se goinfre plus à la manière de l’homme préhistorique. Marianne a grossi
un peu. Ses joues plus remplies et sa taille agrémentée d’un petit embonpoint lui
donnent un nouveau charme. Elle régente la vie du couple en ayant toujours
l’air d’obéir à son ourson. Une finaude intelligente. Beauceron ne rote plus
après le repas et ne lâche plus de bruits incongrus. L’après-midi nous partons
voir ce pont, objet premier de ma visite. D’un seul coup d’œil je découvre
certains manques peu graves, mais tout de même importants. Je parle avec les
ouvriers, dont certains se découvrent à mon arrivée. Je vérifie des points de
détail. Beauceron me suit comme un toutou. Comme l’ordre des choses a
changé ! Au bureau du chantier je regarde les plans et montre du doigt les
petites imperfections en choisissant mes mots afin de ne pas vexer mon Ours.
    — J’ai compris, fait mon coterie en se grattant son
pois chiche sur la joue. Tu as raison. On va faire le nécessaire, ne crains
rien, Monsieur l’ingénieur.
    Le soir, je les emmène dîner dans une bonne auberge.
Marianne a mis une robe à fleurs. Elle se redresse, heureuse de se faire voir.
Elle joue à la grande dame, petite par la hauteur. Mon gros Ours ne parle pas
trop fort et boit modérément, c’est-à-dire un peu plus qu’un convive normal
ayant déjà un bon penchant pour le vin. Tous deux renouvellent leurs questions
sur les miens et m’obligent à reprendre le récit depuis mon arrivée à Saint-Aignan,
y compris bien

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