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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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écrivirent à leur chargé d’affaires de la Nouvelle-Orléans, qui fit saisir la propriété réelle. (Elle se réduisait à peu de chose près aux deux femmes, et à un lot d’esclaves pour les plantations.) Il en donna avis à ses fondés de pouvoirs.
    L’un des frères étant, ainsi que nous l’avons dit, un chrétien, habitant d’un État libre, se sentit pris de quelques scrupules. Il ne se souciait pas de trafiquer d’esclaves et d’âmes immortelles, – la chose lui répugnait ; mais d’autre part, il y avait trente mille dollars en jeu, et c’était trop d’argent à sacrifier à un principe. En sorte qu’après avoir beaucoup réfléchi, et demandé l’opinion de ceux qu’il savait être de son avis, le frère B. écrivit à son chargé d’affaires de disposer des immeubles de la manière qui lui semblerait le plus convenable, et de lui faire passer la somme.
    Le lendemain du jour où la lettre arriva, Suzanne et Emmeline furent envoyées au dépôt, pour y attendre la vente générale.
    La pâle clarté de la lune, qui filtre à travers les fenêtres grillées, éclaire la mère et la fille. Toutes deux pleurent, mais chacune à part et sans bruit, afin que l’autre ne puisse l’entendre.
    « Mère, posez votre tête sur mes genoux, et essayez de dormir un peu, dit la jeune fille, s’efforçant de paraître calme.
    – Je n’ai pas le cœur de dormir, Emmeline ! Je ne peux pas. C’est peut-être la dernière nuit que nous passons ensemble :
    – Oh ! mère, ne dites pas cela ! Peut-être serons-nous vendues au même maître, – qui sait ?
    – S’il s’agissait de toute autre, je dirais aussi, peut-être ? reprit la femme ; mais j’ai si grand’peur de te perdre, Emmeline, que je ne vois que le danger.
    – Pourquoi, mère ? L’homme nous a trouvé bonne mine, et il a dit que nous ne manquerions pas d’acheteurs. »
    La mère se rappelait trop bien les regards et les paroles de l’homme. Elle se rappelait, avec un affreux serrement de cœur, comment il avait examiné les mains de la jeune fille, soulevé les boucles de ses cheveux, et déclaré que c’était un article de premier choix. Suzanne, élevée en chrétienne, nourrie de la lecture de la Bible, avait autant d’horreur de voir vendre sa fille pour une vie infâme qu’en pourrait éprouver toute autre mère pieuse ; mais elle n’avait point d’espérance, point de protection.
    « Je crois, mère, que nous nous en tirerons à merveille, si nous tombons à quelque bonne maison, où vous puissiez être cuisinière et moi femme de chambre, ou couturière. Nous aurons cette chance, j’espère. Il nous faut prendre un air avenant, alerte, aussi gai que nous le pourrons, dire tout ce que nous savons faire ; et peut-être y arriverons-nous ?
    – Demain tu brosseras tes cheveux, lisses, tout droits, entends-tu ? dit Suzanne.
    – Pourquoi, mère ? cela ne me va pas moitié si bien.
    – Oui ; mais tu ne t’en vendras que mieux.
    – Je ne comprends pas pourquoi ! dit la jeune fille.
    – Des gens respectables seront plus disposés à t’acheter en te voyant simple et modeste, que si tu essayais de te faire belle. Je connais leurs idées mieux que toi, dit Suzanne.
    – Eh bien, mère, je ferai comme vous voulez.
    – Emmeline, si, après le jour de demain, nous ne devions plus nous revoir ; si j’étais vendue pour aller quelque part sur une plantation, et toi sur une autre ; – rappelle-toi toujours comment tu as été élevée, et tout ce que maîtresse t’a dit. Emporte avec toi ta Bible et ton livre d’hymnes. Si tu es fidèle au Seigneur, le Seigneur te sera fidèle. »
    Ainsi parle la pauvre âme en sa profonde détresse ; car elle sait que demain tout homme vil et brutal, impitoyable et impie, peut devenir propriétaire de sa fille, corps et âme, s’il a seulement assez d’argent pour l’acheter. Et comment alors la pauvre enfant gardera-t-elle sa foi ? Elle pense à tout cela, et, tenant sa fille entre ses bras, elle la voudrait moins belle. Elle se rappelle l’éducation qu’Emmeline a reçue, si pure, si chaste, si fort au-dessus de sa condition, et elle s’en afflige presque. Sa seule ressource est de prier . Du fond de ces dépôts-prisons, si bien tenus, si propres, si convenables, que de prières ont montées jusqu’à Dieu ! – prières que Dieu ne met pas en oubli, comme on le verra au jour à venir, car il est écrit : « Quiconque scandalisera l’un

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