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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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en silence de la capacité de Tom. Il le considérait comme un manœuvre des plus profitables ; mais il ressentait pour lui un éloignement secret, antipathie naturelle du méchant pour le bon. Il voyait clairement que toutes les fois que sa violence et sa brutalité tombaient sur le faible, Tom le remarquait. L’atmosphère de l’opinion est si subtile, qu’elle se fait sentir sans paroles, et que même la pensée muette d’un esclave peut fatiguer le maître. Tom manifestait de diverses façons une tendresse de cœur pleine de pitié qui, étrange et nouvelle pour ses compagnons de souffrance, était épiée d’un œil jaloux par Legris. En achetant Tom, il se proposait d’en faire plus tard une sorte de contre-maître, auquel il pourrait confier parfois ses affaires, durant de courtes absences. À son point de vue, la première, seconde et troisième condition requise pour ce poste, était la dureté . Legris, ne trouvant point à Tom cette qualité essentielle, résolut de la lui donner ; et peu de semaines après son arrivée sur la plantation, il se mit à l’œuvre.
    Un matin, au moment où les esclaves allaient partir pour les champs, Tom remarqua parmi eux avec surprise une nouvelle venue, dont l’aspect attira son attention. C’était une femme grande, svelte, d’une mise décente et propre. Ses mains et ses pieds étaient d’une extrême délicatesse. À en juger par ses traits, elle pouvait avoir de trente-cinq à quarante ans. Sa figure était de celles qui, une fois vues, ne s’oublient pas, – de celles qui, au premier coup d’œil, éveillent en nous l’idée d’une destinée pénible, étrange, romanesque. Elle avait le front haut et les sourcils dessinés avec une pureté rare. Son nez droit et bien formé, sa bouche fine et mobile, le gracieux contour de sa tête et de son cou, montraient qu’elle avait dû être fort belle ; mais son visage était profondément sillonné par les rides, traces d’une souffrance endurée avec orgueil et amertume. Elle avait le teint jaune et maladif, les joues creuses, les traits aigus, et tout le corps d’une effrayante maigreur ; ses yeux étaient surtout remarquables, – si grands, si noirs, si mornes, ombragés de longs cils également ténébreux ; des yeux d’une expression de désespoir si profond, si terrible ! – Il y avait dans chaque ligne de sa tête, dans chaque courbure de sa lèvre frémissante, dans chacun de ses mouvements, un hautain et sauvage défi. Mais la nuit de l’angoisse semblait concentrée dans son œil – ce regard terne, fixe, sans espoir, formait un effrayant contraste avec la révolte et le dédain qu’exprimait toute sa personne.
    D’où venait-elle ? qui était-elle ? Tom l’ignorait. Il la voyait pour la première fois, marchant à ses côtés, droite et altière, à la lueur grisâtre du crépuscule. Le reste de la bande la connaissait cependant, car plusieurs se retournaient et la regardaient, et parmi les misérables créatures en haillons, à demi affamés, qui l’entouraient, il y avait une sorte de triomphe, à demi comprimé, à demi apparent.
    « L’y voilà venue à la fin ! – J’en suis contente ! dit l’une d’elles.
    – Hi, hi, hi, reprit une autre. Vous en tâterez aussi la madame. Vous saurez le bien que ça fait.
    – Nous allons la voir à la besogne !
    – Je m’étonne si elle sera battue ce soir, comme nous autres !
    – Je serais bien aise de la voir couchée à terre pour être fouettée ; oui, ma foi ! j’en serais aise ! »
    La femme ne prenait pas garde à ces invectives, et continuait à marcher avec son air altier et méprisant, comme si elle n’eût rien entendu. Tom, qui avait toujours vécu parmi des gens distingués, sentait d’instinct, à son port, à son air, qu’elle appartenait à une classe supérieure ; mais pourquoi, comment était-elle tombée dans cet état de dégradation ? C’est ce qu’il ne pouvait dire. Elle ne le regardait, ni ne lui parlait, quoique cheminant à ses côtés, pendant tout le trajet de l’habitation aux champs.
    Tom fut bientôt absorbé dans son travail ; mais la femme se trouvant à peu de distance de lui, il jetait de temps en temps un regard vers elle. Il vit d’un coup d’œil qu’une adresse native lui rendait la tâche plus facile qu’aux autres. Elle cueillait le coton très-vite et très-proprement, d’un air de dédain, comme si elle eût méprisé ce genre d’ouvrage et l’humiliation

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