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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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pouvais présumer qu’après tant de peines il ne se laisserait pas rebuter par des cris, des larmes et autres simagrées.
    « Je cédai, car j’avais les mains liées. Il était le maître de mes enfants : si je résistais à sa volonté en quoi que ce fût, il parlait aussitôt de les vendre, et alors je devenais aussi souple, aussi obéissante qu’il le désirait. Oh ! quelle odieuse vie ! vivre le cœur brisé chaque jour, gardant mon amour qui n’était plus que misère, et liée corps et âme à un homme que j’exécrais. J’aimais à lire à haute voix pour Henri, à jouer pour lui, à valser avec lui, à chanter pour lui, et toutes ces choses faites pour l’autre m’étaient un odieux supplice. – Et cependant je n’osais refuser : il était avec les enfants si dur, si impérieux ! Élise était une timide et douce petite fille, mais Henri avait le caractère hardi et emporté de son père, et personne ne l’avait jamais contrarié. L’homme lui cherchait toujours noise, le trouvait toujours en faute, le querellait sans cesse : je vivais dans l’épouvante et dans des transes continuelles. J’essayai de rendre le garçon respectueux, – j’essayai de faire vivre les deux enfants à part, car je tenais à eux plus qu’à la vie, mais tous mes efforts ne servirent à rien. Il les vendit tous deux ! Un jour, il me fit faire une promenade à cheval, et quand je rentrai, il n’y avait plus d’enfants ! Il me dit les avoir vendus : il me montra l’argent, le prix de leur sang ! Alors il me sembla que tout ce qui restait en moi de bon sombrait : je délirai, je blasphémai, – je maudis Dieu et les hommes, et je crois qu’un moment le misérable eut peur de moi ! mais il tint bon. Il dit que mes enfants étaient vendus, que lui seul pouvait me les faire revoir, et que si je n’étais calme, il leur en cuirait. On peut tout obtenir d’une femme en la menaçant dans ses enfants. Il me soumit encore et m’apaisa : il me flatta de l’espoir qu’il les rachèterait peut-être, et ainsi se passèrent, tant bien que mal, une semaine ou deux.
    « Un jour je me promenais, et je passai devant la calabousse : je vis de la foule amassée devant la porte ; j’entendis une voix d’enfant : – soudain mon Henri s’échappa, en se débattant, des mains de deux ou trois hommes qui le tenaient ; il s’élança en criant de mon côté : il se suspendit à moi. Les hommes lui coururent sus, avec d’effroyables jurons : l’un d’eux, dont je n’oublierai jamais la face, lui dit qu’il n’en serait pas quitte ainsi, qu’il allait le ramener dans la calabousse, et lui infliger là une leçon qu’il n’oublierait de sa vie. Je priai, je suppliai : - – ils se rirent de moi ! Le pauvre enfant gémissait et ne détachait pas ses yeux de mon visage ; il se cramponna à moi, jusqu’à ce qu’on me l’arrachât avec un lambeau de ma robe, et ils l’emportèrent… l’enfant criant toujours : Mère, mère, mère ! – Un homme, un curieux, debout près de la porte, sembla me prendre en pitié. – Je lui offris tout l’argent que je possédais pour qu’il intervînt. Il secoua la tête. « Le maître de l’enfant assure, dit-il, qu’il a toujours été insolent et indocile : il veut le rompre une fois pour toutes. » Je m’enfuis en courant : à chaque pas il me semblait entendre les cris de mon fils. J’entrai au salon, hors d’haleine ; j’y trouvai Butler. Je lui contai tout ; je le suppliai d’aller, d’intervenir. Il rit, et me répondit que l’enfant n’avait que ce qu’il méritait ; qu’il avait bon besoin d’être rompu, et – que le plus tôt serait le mieux. Qu’attendez-vous encore, demanda-t-il.
    « Il me sembla en ce moment sentir quelque chose se briser dans ma tête. Je devins folle, je devins furieuse. J’ai un confus souvenir d’avoir vu un couteau sur la table, de l’avoir pris, de m’être jetée sur l’homme : puis tout devint noir ; et pendant des semaines, je ne vis, je ne compris plus rien.
    « Quand je revins à moi, j’étais dans une chambre propre, mais non la mienne. Une vieille négresse me gardait. Un médecin me visitait, et on prenait grand soin de moi. Peu de temps après, j’appris que Butler était parti, laissant ordre de me vendre ; c’est pourquoi on me soignait si bien.
    « Je n’avais nul désir de recouvrer la santé, et j’espérais ne pas me rétablir ; mais en dépit de mes souhaits, la

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