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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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qu’occupait Legris était, comme la plupart des greniers, un vaste espace, désert, poudreux, tapissé de toiles d’araignée, sorte de capharnaüm encombré de rebuts et de meubles jadis splendides, aujourd’hui vermoulus, importés par l’opulente famille qui avait autrefois habité la plantation, puis oubliés par elle dans les chambres désertes, ou relégués dans les combles. Une ou deux immenses caisses, qui avaient servi au transport du mobilier, se dressaient, vides, contre les murailles. Une étroite lucarne laissait tomber, à travers des vitres sales et enfumées, une lueur avare et douteuse sur les chaises à haut dossier, sur les tables couvertes de poussière, qui avaient connu de meilleurs jours. L’aspect de ce lieu était repoussant et sépulcral ; mais tout lugubre qu’il était, les légendes qui circulaient parmi les nègres superstitieux en centuplaient les terreurs. Peu d’années auparavant, une négresse, qui avait encouru le déplaisir de Legris, y avait été enfermée pendant plusieurs semaines. Que s’y passa-t-il alors ? Nous ne le dirons point. Les esclaves n’en parlaient qu’en murmures ténébreux. Tout ce que l’on savait, c’est que le cadavre de la malheureuse avait été descendu de là-haut et enterré. Depuis lors, des blasphèmes, des imprécations, le bruit de coups violents mêlés à des cris lamentables, à des gémissements désespérés, se faisaient entendre, assurait-on, dans ce lieu redoutable. La première fois qu’il en parvint quelque chose aux oreilles de Legris, il se mit en fureur, et jura que ceux qui feraient des contes sur le grenier sauraient ce qu’il en était : il les y enchaînerait une semaine. Cet avis coupa court aux causeries, mais n’affaiblit en rien la foi qu’on avait en l’histoire.
    Cependant, chacun, de peur d’en parler, évita peu à peu l’escalier qui conduisait au capharnaüm ; le corridor même qui précédait les marches devint désert, et la légende tombait en oubli, lorsqu’il vint à l’esprit de Cassy d’en profiter pour aviver les terreurs superstitieuses de Legris, et tenter l’évasion d’elle et de sa compagne de souffrance.
    La chambre à coucher de Cassy était immédiatement au-dessous du grenier. Un jour, sans consulter Legris, elle prit sur elle, de la façon la plus ostensible, de faire transporter tous les meubles dans une pièce à l’autre extrémité de la maison. Les domestiques subalternes, chargés d’opérer le déménagement, allaient, venaient, couraient, rivalisant de zèle et de désordre, lorsque Legris rentra d’une promenade à cheval.
    « Holà ! hé ! Cassy ! qu’y a-t-il sous le vent ?
    – Rien ; seulement, je veux changer de chambre, répliqua-t-elle d’un ton sournois.
    – Et pourquoi, s’il te plaît ?
    – Parce que je le veux.
    – Pourquoi, diable, le veux-tu ?
    – Je désirerais pouvoir dormir quelquefois.
    – Dormir ? Eh bien ! qui t’empêche de dormir ?
    – Je pourrais vous le dire, si vous voulez l’entendre, répliqua-t-elle sèchement.
    – Parleras-tu, sorcière ?
    – Ce n’est pas la peine. D’ailleurs, je suppose que vous n’en seriez pas troublé, vous . Ce n’est rien : des gémissements, des coups, des corps se roulant sur le plancher moitié de la nuit, depuis minuit jusqu’au jour.
    – Des corps, là-haut, dans le grenier ! dit Legris avec malaise, mais grimaçant un rire forcé : les corps de quelles gens, Cassy ? »
    Cassy leva ses grands yeux noirs et acérés ; elle le regarda en face avec une expression qui le fit frémir jusque dans la moelle des os.
    « De quelles gens, Simon ! répéta-t-elle ; c’est à vous de me le dire ; vous ne le savez pas, peut-être ! »
    Legris jura et leva sa cravache pour la frapper, mais elle s’esquiva, franchit la porte, et lui dit, en se retournant :
    « Si vous voulez coucher dans cette chambre, vous en saurez plus long ! Essayez-en ! » Et elle rentra et s’enferma à la clef. Legris rugit, tempêta, menaça d’enfoncer la porte ; mais, sur plus mûre réflexion, il se dirigea vers le salon d’un air troublé. Cassy vit que le trait avait porté, et s’appliqua, dès lors, avec une rare adresse, à poursuivre l’œuvre commencée.
    Elle avait enfoncé dans un trou de la toiture le goulot d’une vieille bouteille ; le plus léger vent, rencontrant cet étroit passage, s’y engouffrait avec un sifflement lugubre et lamentable, qui, dans les

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