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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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dessinaient sur le sol leur élégant feuillage avec toutes ses découpures, et, dans l’air, régnait cette silencieuse paix qu’il semblerait impie de troubler. Legris approchait des cases lorsqu’il crut distinguer un chant. Les sons de ce genre, en pareil lieu, étaient chose rare. Il s’arrêta pour écouter. Une voix de ténor, mélodieuse, pénétrante, chantait :

    Dès qu’aux célestes demeures

    Mon titre deviendra clair,

    Qu’importent les sombres heures,

    Les souffrances de la chair ?

    Qu’importe que l’on m’outrage,

    Que m’importent les soucis !

    L’enfer, Satan, et sa rage,

    De tout cela je me ris.

    Ah ! que fondent sur ma vie,

    Malheur, chagrin et dégoût,

    C’est là-haut qu’est ma patrie,

    Mon Dieu, mon ciel, et mon tout !
    « Ah ! ah ! c’est comme ça ! se dit Legris. Ho ! vraiment ? il en est logé là ! – Que je hais ces maudits hymnes méthodistes ! Ici, nèg’ », s’écria-t-il, tombant à l’improviste sur Tom, et levant sur lui sa cravache : comment oses-tu faire ce vacarme quand tu devrais être couché ? Ferme-moi ta vieille damnée gueule noire, et rentre au plus vite, entends-tu ?
    – Oui, maître, dit Tom avec une soumission joyeuse, et il se leva pour obéir.
    L’air heureux et tranquille du noir mit Legris hors des gonds ; il détourna son cheval du côté de Tom, et lui travailla la tête et les épaules avec son fouet.
    « Là ! chien ! dit-il, vois si cela te paraît bon ! »
    Mais les coups ne tombaient que sur la chair, non plus comme autrefois sur le cœur. Tom demeura parfaitement soumis et tranquille ; et Legris ne put se dissimuler à lui-même qu’une grande part de son pouvoir sur son humble esclave était détruite. Au moment où celui-ci disparaissait dans la case, et où le maître faisait rapidement pivoter son cheval, un éclair, une de ces vives flammes que la conscience envoie parfois au travers des âmes les plus noires, les plus perverses, frappa soudainement l’esprit de Legris. Il comprit que c’était DIEU même qui se plaçait entre lui et sa victime, et il le blasphéma. Ce nègre soumis, muet, que ni insultes, ni menaces, ni coups, ni cruautés ne pouvaient troubler, éveilla en lui cette voix que le Maître de Tom avait, aux temps anciens, tiré du fond de la poitrine du possédé, cette voix qui criait : « Qu’y a-t-il entre nous et toi, Jésus de Nazareth ? es-tu venu ici pour nous tourmenter avant le temps ? »
    L’âme de Tom débordait en compassion, en tendres sympathies pour les pauvres misérables qui l’entouraient. Toute douleur personnelle avait disparu à jamais ; mais il se sentait dévoré de l’ardent désir de verser sur ses compagnons d’infortune une part de l’inépuisable trésor de consolation, de joie, de paix, qui du ciel descendait en lui. Les occasions étaient rares, il est vrai ; mais, en allant et venant des plantations, et durant les heures de travail, il trouvait moyen de tendre une main secourable au fatigué, au misérable, au désespéré. D’abord ces pauvres êtres abrutis pouvaient à peine comprendre ; mais, quand les compatissants efforts eurent duré des semaines, des mois, au fond de ces cœurs engourdis, des cordes longtemps muettes commencèrent à vibrer. Par degrés imperceptibles, cet homme étrange, patient, silencieux, toujours prêt à porter le fardeau de ceux dont jamais il ne réclamait l’aide, – qui se tenait à l’écart, qui, servi le dernier, recevant le moins, se montrait toujours prêt à partager ce peu avec celui qui en avait besoin ; – l’homme qui, dans les froides nuits, cédait son lambeau de couverture pour soulager une pauvre femme tremblant de fièvre, et qui remplissait les paniers des plus faibles, au risque effroyable de trouver le sien inférieur en poids ; – celui qui, poursuivi par l’implacable cruauté de leur commun tyran, ne joignait jamais son injure aux injures, sa malédiction aux malédictions, – cet homme, enfin, commença à prendre sur eux un ascendant extraordinaire. Quand, le plus fort de la saison passé, les dimanches furent rendus aux esclaves, plusieurs se rassemblèrent autour de Tom pour l’entendre parler de Jésus. Ils désiraient se réunir en quelque endroit que ce fût, pour l’écouter, pour chanter et prier ensemble ; mais Legris ne le souffrit point : avec force serments et exécrations, il dispersa les groupes, et déjoua toutes les tentatives. – La bonne

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