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La chambre du diable

La chambre du diable

Titel: La chambre du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Harding
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contraint,
dévoilant des gencives sanguinolentes.
    – Les Français m’ont pris devant Calais.
    – Sacré menteur ! Les Français t’auraient
coupé deux doigts, mais pas l’oreille !
    Le bonhomme perdit de son assurance.
    – J’ai volé une oie à Calais, murmura-t-il.
    – Voilà qui est mieux !
    Le magistrat jeta un coup d’œil à travers la cour
pavée qui s’étendait jusqu’à l’huis d’entrée du château.
    – Bon, mon garçon, cours prévenir Sir Walter
Limbright que Sir John Cranston est là.
    Athelstan prit dans son escarcelle le mandat que leur
avait préparé un des clercs de Jean de Gand et le donna à l’archer, qui détala.
Le prêtre leva les yeux pour contempler le bâtiment.
    – Sinistre endroit pour vivre, commenta-t-il, et
sinistre endroit pour mourir !
    Hawkmere était un édifice de trois étages en pierre
grise brute. On avait ajouté des cheminées à chaque bout du toit incliné en
ardoise rouge. Les marches qui conduisaient à la porte principale, noire et
menaçante, étaient tapissées de mauvaises herbes et s’effritaient. Les fenêtres,
des meurtrières ou de petits châssis de bois, n’étaient pas garnies de verre
mais protégées soit par des volets intérieurs soit par des barreaux de fer
extérieurs. Athelstan se remémora les grands fortins, en France, érigés par les
Anglais pour contrôler les carrefours, les ponts et les gués sur les rivières.
    L’archer avait disparu derrière l’édifice. Athelstan
comprit pourquoi on avait choisi de faire d’Hawkmere une prison. La demeure
était flanquée, sur les trois autres côtés, d’une épaisse muraille fortifiée
qui défendait sans doute les appentis et bâtiments à ses pieds. Il lança un
coup d’œil à ses compagnons : Sir John était immobile, jambes écartées, yeux
mi-clos ; Sir Maurice semblait être à des lieues de là, et, une fois
encore, le dominicain se demanda comment ils pourraient aider ce jouvenceau
dans sa vaine poursuite de sa bien-aimée. Sir John et Athelstan connaissaient
Sir Thomas. Ce dernier était réputé pour son avarice et son insensibilité. Il
était homme à prêter de l’argent à tout un chacun et à exiger, en retour, un
bon profit.
    – Venez, Athelstan, grogna le coroner. Je ne vais
point rester céans, à rôtir au soleil !
    Il avança à grands pas, monta l’escalier, suivi de
près par les deux autres, et se mit à tambouriner sur l’épaisse porte de chêne
qui s’ouvrit. Un serviteur les lit entrer.
    L’intérieur d’Hawkmere était tout aussi lugubre que l’extérieur.
La salle de garde était fort sombre malgré les torches qui crachaient sur leurs
supports de fer. On les fit passer par un méchant couloir où leurs bottes
résonnèrent sur les dures dalles grises. Sir Walter Limbright les attendait
dans sa chambre, qui jouxtait la grand-salle. Petit homme à l’air revêche, il
avait des cheveux gris clairsemés, des yeux rapprochés et une bouche cynique. Il
n’était pas rasé et son justaucorps brun foncé était taché. Il se leva pour les
accueillir.
    – On m’a annoncé votre venue, Sir John. J’allais…
    – Nous avons décidé de ne point naqueter, coupa
le magistrat d’un ton rogue. Il fait chaud dehors.
    – Voulez-vous boire quelque chose ? proposa
Sir Walter, mal à l’aise qu’on ait relevé son manque de courtoisie.
    – Plus tard, peut-être, dit en hâte Athelstan.
    Sir Walter leur rendit le mandat.
    – Ce n’est point ma faute, larmoya-t-il en
grattant une tache sur sa tunique. Les prisonniers étaient sous bonne garde et
protégés. Personne ne vient ici sauf cet arrogant godelureau de Fontanel et, quand
il est là, je le surveille comme un faucon. Monseigneur de Gand ne peut…
    – Où se trouve le corps ? demanda le coroner.
    Sir Walter cligna des yeux.
    – Bon, bon, entendu, venez donc avec moi !
    Ils quittèrent la chambre et empruntèrent un couloir
où flottait une odeur de légumes en décomposition. Limbright arriva au pied d’un
escalier en bois en colimaçon. Une pâle jeune femme aux cheveux châtain clair
était assise sur la première marche. Elle grattait le plancher et ne leva pas
les yeux à leur approche.
    – Lucy ! Lucy ! appela Sir Walter en
jetant un coup d’œil à Sir John. Voici ma fille.
    La jouvencelle leva enfin les yeux. Elle avait un
visage inexpressif et un regard vide. De sa lèvre inférieure pendante un filet
de salive coulait sur son menton. Elle était jolie

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