La chambre du diable
homme cérémonieux. Fontanel s’inclina devant Gand et
attendit que Sir Maurice ait avancé une chaire pour s’asseoir près du régent. Ce
ne fut qu’après s’être installé avec précaution et avoir disposé le fourreau d’argent
de son poignard de façon qu’il ne s’accroche pas au bras du siège qu’il
consentit à remarquer Athelstan et Sir John. Un bref coup d’œil lui suffît. Il
regarda ensuite par-dessus leur tête tout en jouant avec ses bagues.
– Messire de Fontanel, dit Jean de Gand en se
tournant dans sa chaire pour lui faire face, puis-je vous présenter Sir John
Cranston, coroner de la ville, et son secrétaire, le père Athelstan, dominicain ?
Comme un serpent, Fontanel bougea la tête. Il jeta un
coup d’œil rapide à Sir John et l’abandonna avec un éclair de mépris. Il étudia
Athelstan avec plus d’attention comme s’il ne pouvait se faire une opinion. Il prit
le gobet d’argent que lui tendait Sir Maurice et le passa au magistrat.
– Je ne tiens pas à être empoisonné, zézaya-t-il.
Comme le pauvre Serriem ! Goûtez-le d’abord, messire !
– Avec plaisir !
Sir John saisit le récipient, le vida d’un trait et le
lui rendit non sans brutalité.
De courroux, les pommettes de Fontanel se marbrèrent
de rouge. Gand baissa la tête pour dissimuler son amusement. Sir Maurice s’empressa
de remplir derechef le gobet.
– Messire de Fontanel, intervint le régent, vous
êtes en sécurité céans.
– Vous avez donné les mêmes assurances au
malheureux Serriem et voilà qu’il est mort empoisonné.
– Ce n’est point notre faute ! rétorqua Jean
de Gand en tapant sur la table et en désignant Athelstan et Sir John. Voici mes
deux officiers. Ils enquêteront sur le trépas de Serriem. Si c’est un meurtre, ils
captureront le félon, qui sera pendu. Je vous en donne ma parole.
Gand ayant insisté sur les derniers mots, Fontanel ne
put qu’accepter le serment. Il sirota son vin et, levant la tête, examina les
deux hommes.
– Ne vous fiez pas aux apparences, dit le coroner
d’un ton calme. Monsieur, si vous cherchez dans la liste des soldats le nom de
Cranston, vous le trouverez parmi ceux des vainqueurs de plus d’un combat
contre votre pays. Il existe un proverbe : « L’habit ne fait pas le
moine et il ne faut pas juger d’un livre d’après sa couverture. »
Un sourire fendit son visage.
– Je vous prie de suivre ce conseil.
– Messire, intervint le prêtre, vous arrive-t-il
d’aller à Hawkmere ?
L’envoyé français eut un regard malveillant.
– Vous voulez que nous trouvions la vérité, continua
Athelstan, ce qui signifie, monsieur, que nous devons interroger tout le monde.
– Je m’y rends, aboya Fontanel.
– Et apportez-vous de la nourriture ou de la
boisson ?
– Je n’en ai point la permission. Seulement un
livre de prières et des chapelets.
Il posa son gobelet.
– Monseigneur de Gand, vous savez ce que mon
maître pense en la matière.
Il tapa sur l’épaule du régent.
– Nous vous tenons pour personnellement
responsable de la bonne garde de nos captifs. Alors que vos officiers fassent
leur travail !
Il se dirigea vers la porte mais s’arrêta jusqu’à ce
que Sir Maurice se précipite pour l’ouvrir. Gand attendit qu’il fût sorti, le
rouge de la rage aux joues.
– Quel beau glorieux ! J’aimerais lui
trancher la tête dans un combat afin qu’il ne me frappe plus jamais sur l’épaule !
Bon, soupira-t-il, mon clerc vous a préparé un mandat. Je vous serais
reconnaissant d’aller sur-le-champ à Hawkmere. Maltravers vous accompagnera.
– Avez-vous fait fouiller l’endroit ?
– De la cave au grenier, intervint Sir Maurice. Nous
n’avons rien trouve.
– Limbright aurait-il pu empoisonner ses hôtes
par malveillance ?
– Il n’en aurait pas eu l’idée ! pouffa le
régent. Et sa fille est niaise.
– Et il n’y a pas de poison au manoir ? insista
Athelstan.
– Pas le moindre. Les armes, comme les
prisonniers, sont contrôlées de près. Ils ne peuvent quitter l’endroit et les
visiteurs sont fouillés. Fontanel ne peut leur rendre visite qu’une fois par
semaine.
Athelstan s’apprêtait à partir. Il sentait que Sir
John commençait à être mal à l’aise et craignait que le coroner ne s’assoupisse
à nouveau.
– Un instant, ordonna Jean de Gand en se levant
et en posant la main sur l’épaule de Sir Maurice. Sir John, frère Athelstan,
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