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La chambre du diable

La chambre du diable

Titel: La chambre du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Harding
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je
crois que vous connaissez Sir Maurice Maltravers : un soldat, et mon très
loyal serviteur.
    Le dominicain plissa les paupières. En l’examinant
avec plus d’attention, il s’aperçut que le jeune chevalier était pâle et tendu,
les yeux rougis comme s’il avait pleuré ou manquait de sommeil.
    – Sir Maurice, expliqua Gand, est un homme
éperdument épris. Son cœur bat pour Lady Angelica Parr.
    – Oh non ! gémit le coroner. Pas la fille de
Sir Thomas ? Parr est avaricieux et a les doigts crochus. Nous avons été
aux écoles de droit ensemble, jadis. Il est si mesquin que je parie qu’il y a
des toiles d’araignée dans son escarcelle ! Et à présent il contrôle tout :
bateaux, laine et vin. On prétend même que la moitié des Communes, sans parler
de la Cour, a de lourdes dettes envers lui.
    – Sir John, comme à l’accoutumée, vous êtes
concis et dans le vrai, remarqua le régent. Je dois beaucoup d’argent à Sir
Thomas et il a de grandes ambitions pour sa fille. La main d’un comte, peut-être,
ou même celle de quelqu’un de ma lignée, un membre de la famille royale ?
    Se retournant, il fixa le chevalier et, pour la toute
première fois, Athelstan aperçut une véritable lueur de compassion dans les
yeux du régent.
    – Sir Maurice, soupira Jean de Gand, est le cadet
du cadet d’un cadet.
    Il fit un geste de la main.
    – Il a commis la terrible erreur de courtiser
Lady Angelica et même de tenter de s’enfuir avec elle.
    – Ô mon Dieu ! souffla Sir John.
    – Mon Dieu, oui ! On lui a interdit la
maison et Lady Angelica est enfermée sous bonne garde chez les vénérables sœurs,
les nonnes de Syon sur la Tamise.
    – Par les tétons du ciel ! grommela le
coroner.
    – Exactement. Une maison dirigée par la très
respectable mère Monica ! Une femme qui inspire plus de terreur à certains
de mon entourage que toutes les armées rassemblées des Français. Sir Thomas m’a
demandé avec insistance d’éloigner Maltravers et de dépêcher au couvent un
estimable prêtre, un saint homme, pour apprendre à sa fille à obéir à son père
et à l’aimer. C’est vous, frère Athelstan, que je choisis.
    Il baissa la voix.
    – Et c’est là que gît le lièvre. Vous devrez aussi user de tous vos
pouvoirs pour faire avancer la cause de Sir Maurice.

CHAPITRE IV
             Cranston
et Athelstan, traînant derrière eux un Sir Maurice fort marri, quittèrent le
Savoy. Ils descendirent la Tamise en barque jusqu’à Fish Wharf et se dirigèrent
vers St Paul par les ruelles qui serpentaient à travers maisons et boutiques. Trop
décontenancés dans un premier temps, ils étaient restés cois. Ils avaient l’habitude
d’accepter les diverses enquêtes que leur confiait le régent, mais la
perspective de devenir les champions de ce chevalier à la mine désolée assis en
face d’eux dans l’embarcation les laissait sans voix. Les idées se bousculaient
dans l’esprit du dominicain. Comment pourrait-il agir ? Pour ce qu’il
connaissait des femmes… mieux valait n’en rien dire ! Il sourit in
petto. Sir John rompit le silence. Il se pencha et posa la main sur le
genou du jeune homme.
    – Je sais ce qu’il en est, mon garçon ! gronda-t-il.
Naguère, quand je courtisais Lady Maude, je n’étais pas comme ça : j’étais
mince comme un lévrier, rapide comme un faucon fondant sur sa proie, mon cœur
et mon âme ardaient. Je n’étais alors que ce pauvre vieux John Cranston. Mais
avec du courage et de la ténacité votre cœur obtiendra ce qu’il désire.
    Sir Maurice le remercia. Athelstan vit un éclair d’amusement
dans ses yeux en s’imaginant un Sir John svelte et vif.
    – Ah, c’était le bon temps ! répéta le
coroner pendant qu’ils se frayaient un chemin dans les rues. Quel siège
amoureux ! J’ai tout essayé !
    Le dominicain dut ralentir le pas parce que le fou
rire faisait trembler ses épaules. Il ne pouvait vraiment pas penser à Lady
Maude comme à une bastille, et quant à un Sir John éperdu d’amour, c’était
grand merveille !
    Ce dernier guidait Sir Maurice, une main sur son
épaule. Athelstan, à la traîne, se rendait compte qu’il avait vécu si longtemps
à l’abri de St Erconwald que la foule, les odeurs, la presse le mettaient mal à
l’aise. Le soleil était brûlant et la chaleur collait sa bure de serge
grossière à sa peau moite. Le coroner aimait la ville mais, pour son secrétaire,
elle demeurait

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