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La chambre du diable

La chambre du diable

Titel: La chambre du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Harding
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mains et, sans
tenir compte des protestations du gouverneur, sortit un petit couteau pour
couper la robe brune. Le cou et le haut de la poitrine étaient déjà constellés
de légères taches violacées.
    – Elle a été empoisonnée, annonça-t-il d’une voix
douce. Elle est sans doute morte il y a moins d’une heure.
    – Pourquoi ? geignit Sir Walter en enroulant
une mèche de cheveux de sa fille autour de ses doigts. Pourquoi ? Elle n’avait
pas tous ses esprits et était innocente !
    Après avoir murmuré « Absolvo te » à l’oreille de Lucy, Athelstan récita un courte prière et bénit la dépouille. Il
se releva et aida Sir Walter à faire de même. Les traits de ce dernier étaient
altérés par le chagrin ; des larmes sillonnaient ses joues : ses
lèvres bougeaient mais aucun son n’en sortait.
    – Sir Walter, dit le dominicain en le faisant
asseoir sur une chaire, Sir Walter, écoutez-moi.
    Le gouverneur se tourna vers lui, les yeux vides.
    – Ces bâtards ! Ce sont ces bâtards de
Français qui sont responsables ! grinça-t-il.
    Il se tordit les mains et reprit son balancement d’avant
en arrière.
    – Je les tuerai tous ! chuchota-t-il. Tous, jusqu’au
dernier ! Et vous m’aiderez, n’est-ce pas, Cranston ? Le religieux
qui est céans pourra les absoudre et puis nous les pendrons à un méchant arbre
car ce sont des pirates : des meurtriers, des assassins, des misérables qui
enlèvent les femmes et tuent les enfants !
    – Sir Walter, nous n’avons aucune preuve.
    Sir John examina la pièce meublée de quelques coffres
en cuir, de draperies passées accrochées aux murs, d’une armoire, de deux
sellettes et, sous la fenêtre, d’une petite table près de laquelle se trouvait
un tabouret.
    – Était-ce la chambre de votre fille ?
    Sir Walter acquiesça.
    – Où était votre fille auparavant ?
    – Pourquoi cette question ?
    – Où était votre fille auparavant ? insista
le dominicain.
    – Elle était descendue au jardin. Pour se
promener, comme à son habitude. Mon père, qui voudrait empoisonner une
malheureuse ?
    Il s’humecta les lèvres.
    – J’ai besoin de vin, dit-il d’une voix rauque.
    Aspinall sortit et revint avec un gobelet rempli à ras
bord, mais le coroner l’arrêta.
    – Où vous l’êtes-vous procuré ?
    – Dans la chambre de Sir Walter, un peu plus loin
dans la galerie. Elle est remplie de poison, Sir John, ajouta-t-il avec
lassitude.
    – Buvez-en une gorgée, ordonna le magistrat.
    Le mire allait refuser mais Sir John posa la main sur
la dague pendue à son ceinturon.
    – Oh, pour l’amour du Ciel ! protesta
Aspinall en avalant une lampée.
    Puis il se dirigea vers le gouverneur et lui tendit le
gobelet. Ce dernier s’en empara avec avidité. Il le vida d’un trait puis fit un
geste vers le corps de sa fille.
    – Relevez-la, commanda-t-il. Elle n’est point un
chien pour rester ainsi couchée sur le sol !
    On souleva le cadavre de la jouvencelle et on le
déposa avec douceur sur le lit en lui croisant les mains. Sir John ouvrit son
escarcelle et posa deux pennies sur les paupières.
    – Laissez-moi, ordonna le gouverneur en s’efforçant
de sourire mais les yeux brillants de larmes. Laissez-moi seul un moment. Vous
avez à faire avec ces démons, là, en bas !
    – Restez avec Sir Walter, suggéra Athelstan à
Aspinall. Sir John, Sir Maurice, venez !
    Ils regagnèrent la grand-salle et narrèrent aux
Français ce qui s’était passé. Fontanel se signa en hâte. Les captifs, serrés
les uns contre les autres, parurent effrayés.
    Vamier prit la parole :
    – Il n’est pas prudent que nous restions ici. Sir
Walter est déjà notre ennemi. Il nous accusera du trépas de sa fille.
    Il abattit son poing sur la table.
    – J’exige qu’on nous déplace ! Qu’on nous
enferme dans un endroit plus sûr et plus confortable que celui-ci !
    – Je peux m’en occuper, répondit le coroner en s’asseyant.
    Athelstan s’installa et prit son écritoire. Il ouvrit
la corne à encre, y trempa sa plume mais se contenta de gratter le parchemin, dessinant
d’étranges signes et symboles. Il n’avait pas grand-chose à noter ; rien, dans
cette affaire, n’avait de sens. Il jeta un coup d’œil à Sir John.
    –  Semper veritas, murmura-t-il. Toujours
la vérité. Il est peut-être temps que nous soyons directs et francs et disions
à ces seigneurs qu’ils sont, il est vrai, en danger mortel mais pas à

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