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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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d’elle un moment en silence, vérifia de sa main valide l’ancrage de la chaîne dans le mur, mais nullement le bracelet de fer que l’on avait refermé autour de sa nuque. Il l’examina longuement puis s’assit sur une pierre, humide comme le restant du cachot sinistre et glacé.
    –  C’est étrange, vois-tu, commença-t-il d’une voix calme, je n’aurais jamais pensé que tu puisses survivre après cette nuit-là, et pourtant j’aurais dû m’en douter. Tu n’es pas humaine, Isabeau !
    Loraline tiqua. Il la prenait pour sa mère. Il est vrai qu’elle lui ressemblait autant qu’une jumelle. Elle eut envie un instant de le démentir mais s’en retint. Il serait toujours temps. Elle le laissa poursuivre.
    –  Je me souviens de cet exorciste que Guillaume de Montboissier, l’ancien abbé du Moutier, avait fait venir. De celui-là et des autres. De fait, pendant de longs mois je n’ai cessé de penser à ces scènes répétitives. Montboissier voulait prouver que j’exterminais les jouvenceaux pour mes expériences. Comme s’il pouvait comprendre ! Je ne les ai pas supprimés par plaisir, je l’ai fait pour servir la science. Atteindre le but ultime, le secret de l’éternelle jeunesse. L’abbé était un sot. Il s’imaginait pouvoir me confondre à travers ces pâles créatures qu’il dépêchait pour une enquête. Leur présence n’a réussi qu’à m’agacer. J’ai dû les éliminer chacun à leur tour, en maquillant leur cadavre pour laisser croire à l’œuvre d’un loup. De fait, chaque fois que je me suis acharné sur ces prêtres, j’ai senti le regard d’une louve peser sur moi. Je l’ai même aperçue. Je ne comprenais pas pourquoi elle ne m’attaquait pas, j’avais fini par croire qu’elle aimait l’odeur du sang que je répandais, attendant que je sois parti pour s’en repaître. Lorsque j’ai découvert une touffe de ses poils sur le dernier cadavre, j’ai commencé à avoir des doutes parce que de longs cheveux y étaient mêlés. J’ai laissé Huc de la Faye et l’abbé Guillaume croire à cette légende du loup-garou. Elle les éloignait de moi et m’amusait au fond, jusqu’à ce que je te prenne et découvre ces poils gris sur mon pourpoint. Tu aurais dû me tuer, Isabeau, lorsque tu me regardais lacérer le ventre de mes victimes. Tu te serais épargnée si tu l’avais fait, mais tu n’aimais pas le sang comme je l’avais cru alors. Ce doit être inconfortable d’avoir une conscience lorsqu’on a le corps d’une bête. Non seulement tu n’as pas su saisir ta chance, mais tu m’as lavé de tout soupçon. A ta place je n’aurais eu aucun scrupule. Mais peut-être t’ai-je rendu service finalement, en t’obligeant à rejoindre les tiens, à te terrer ainsi au milieu des loups. C’est pour cela que je ne comprends pas ce qui t’a poussée à vouloir m’assassiner, seize ans après, cela n’a plus de sens. Sauf si tu pensais que je touchais au but !
    Il se tut un instant et caressa d’un doigt tendre la barrette d’or. Loraline se taisait, intriguée autant que fascinée malgré elle par cette étrange confidence, comme si brusquement à travers elle c’était le souffle de sa mère qu’elle captait dans l’empreinte du temps.
    François ne la regardait pas. Il semblait poursuivre le cheminement intérieur d’une logique qui la dépassait. Malgré sa peur réelle, latente, elle avait envie de savoir ce que la folie de cet homme avait pu concevoir. Lorsqu’il reprit, elle eut le sentiment au ton de sa voix qu’il était à la fois admiratif et jaloux d’elle :
    –  Je l’ai cherché des années durant, avec des moyens bien plus grands que tu n’en avais et pourtant tu l’as trouvée avant moi. La pierre philosophale ne peut avoir qu’un seul maître, prétendent les alchimistes. Comment as-tu pu ? Comment as-tu su ? C’est contre nature, contre toute logique. Tu es une femme. Impure puisque je t’ai prise, impure par ton sexe même dès ta naissance. Alors quoi ? As-tu le diable pour père si tu es moitié louve ? Est-ce cela le secret, ce secret qui m’échappe, qui échappe à tous ? La transmutation des métaux passe-t-elle par celle du corps ? Je veux les réponses, Isabeau, je veux savoir où elle est, quelle forme elle a, quelle consistance, quelle couleur, quelle énergie. Je veux cette pierre philosophale par laquelle tu as créé cet or, grâce à laquelle tu as l’air d’une jouvencelle. La même qu’hier.

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