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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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tandis qu’Albérie poursuivait.
    –  Bien qu’une messe ait été dite pour elle il y a quinze ans, alors qu’on la croyait perdue, elle est morte sans prêtre à ses côtés, sans confession ni pardon de l’Église. Isabeau était une fervente catholique, Huc, et a élevé sa fille en ce sens, même si elle n’a pas été baptisée. Je voudrais qu’elle repose en paix.
    Huc se tourna vers elle avec tendresse et la prit doucement par les épaules.
    –  Tu as raison, il faut ramener cette enfant chez nous !
    –  Non !
    Albérie hurla presque.
    Non, il n’avait rien compris ! Elle se radoucit, mais son expression se fit rude :
    –  Non, Loraline n’est plus une enfant, Huc, elle a quinze ans et ressemble à s’y méprendre à l’Isabeau que François de Chazeron a connue. Si par malheur il apprenait qu’elle existe, Dieu seul sait ce qu’il adviendrait. Loraline est née au milieu des loups, a grandi avec eux et connaît leur langage. Elle serait brûlée vive, comme une sorcière, comme mon aïeule. Non, Loraline est à sa place, je veillerai sur elle, n’aie crainte. L’abbé Antoine de Colonges avait rencontré Isabeau lorsque grand-mère est morte. J’ai obtenu de lui qu’il sermonne Loraline. J’ai peur qu’elle ne tente quelque action pour venger la mémoire de sa mère. De fait, la présence de Chazeron, ici, à Montguerlhe, la rend hargneuse. Je ne veux pas que l’histoire se répète, Huc. J’ai eu bien trop de mal moi-même à l’oublier. Il m’a fallu treize ans pour apprendre à t’aimer. Pour faire taire en moi la haine et toute idée de vengeance. Aide-moi. Ecarte Chazeron de Montguerlhe quelques jours. Le temps pour Antoine de Colonges d’apaiser la peine et la colère de Loraline. Aide-moi !
    Huc se rembrunit. L’abbé du Moutier savait ! Il avait rencontré Isabeau alors qu’on lui avait interdit à lui de la revoir ! Cette seule idée le bouleversait, même si une petite voix à l’intérieur de lui murmurait que l’abbé n’avait été appelé qu’à servir sa fonction, rien d’autre. Il se rasséréna. Non, il n’avait pas été trahi et ne pouvait se sentir mis à l’écart. Il avait été le seul à véritablement partager le sort de ces malheureuses, à souffrir de leur croix et à tenter d’adoucir leur châtiment par l’amour qu’il éprouvait pour Albérie.
    –  M’aideras-tu ? insista la voix d’Albérie qui se rendait bien compte que son aveu l’avait contrarié.
    Huc hocha la tête.
    –  Ce ne sera pas facile. Quelle raison invoquer ? Le seigneur de Chazeron se désintéresse des siens et plus encore de ses gens !
    Albérie n’attendait que cela, depuis la tempête, depuis que François de Chazeron était revenu à Montguerlhe et qu’Antoinette portait son enfant.
    Avec Isabeau, elles n’avaient cessé de ruminer leur vengeance. C’était devenu soudain si facile, si évident. Chazeron allait payer. Avant de mourir, il souffrirait, harcelé par la peur, sans pouvoir imaginer s’en soulager.
    Le cœur brusquement empli d’un sauvage désir de sang, Albérie coula son profond regard métallique dans celui de son époux et lui exposa ses arguments.

3
     
     
     
    Antoine de Colonges se tordait les mains de délectation tout en se faisant reproche du plaisir sournois qu’il éprouvait soudain.
    –  Reprenez-vous, mon père ! Nul ne doit savoir, n’oubliez pas, sans quoi…
    L’abbé du Moutier acquiesça en réponse à la voix cassée qui sortait de cette capuche de bure noire rabaissée sur un visage usé.
    –  N’aie crainte, mon enfant. Il y a si longtemps que j’attends ce moment que, le Seigneur me pardonne ! je n’ai de pitié que pour moi-même.
    –  Alors, soyez béni au nom de ces enfants que vous sauverez par votre silence.
    Antoine de Colonges hocha la tête, se fortifiant de cette évidence pour ne pas entendre la voix de sa conscience. Pour la première fois de sa longue existence au service du Tout-Puissant, il allait faillir, et faillir au commandement suprême : « Tu ne tueras point. » Bien sûr il ne serait pas la main, et cependant il serait coupable d’accepter que la justice d’une femme suppléât à celle de Dieu. Il prit entre ses mains sèches un crucifix de bois et une bourse de cuir emplie d’écus sur une table creusée par les longues journées de lecture, et les tendit à sa visiteuse.
    –  Que la pensée du Christ t’accompagne et t’aide enfin à trouver la

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