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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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ces raisons, il se trouvait ce jourd’hui 12 octobre 1515 à Saint-Rémy-de-Provence, si loin de sa Suisse natale qu’il avait quittée voilà trois années pour parcourir le monde et tenter d’en découvrir les secrets. Il revenait, pour l’heure, de Ferrare où il avait brillamment obtenu sa promotion, et son titre de médecin sonnait crânement sur sa jeunesse fringante, tant il connaissait peu de ses confrères qui avaient acquis par leurs voyages ou leurs rencontres autant de savoir que lui.
    Or donc, Philippus, juché sur son âne et flanqué d’un valet d’une discrétion d’autant plus grande qu’il était né muet, s’approchait de l’angle d’une petite venelle, après avoir depuis un mois affronté tous les vents sur son itinéraire.
    –  Ce doit être là ! affirma-t-il en tendant un doigt que des mitaines de laine couvraient à moitié.
    Croulant sous les pelisses, son compagnon et lui ressemblaient bien davantage à des miséreux qu’à l’équipage d’un médecin. Cela importait peu à notre homme. Au mépris de ses contemporains, il répondait, incisif : « Mieux vaut une cervelle abondamment garnie assortie d’une bourse vide que l’inverse. On dort peut-être moins bordé, mais on rêve beaucoup mieux ! »
    Et des rêves, par Dieu, il en avait. Depuis qu’il avait traîné ses guenilles en Egypte, au pied des pyramides qui refusaient de dévoiler leurs secrets, et à Constantinople où il avait consulté quantité d’ouvrages. Partout sur son chemin, il se faisait initier aux mystères et aux croyances des sociétés secrètes et des sectes religieuses qui fleurissaient en ce nouveau siècle. Pour parfaire son savoir académique, il apprenait les secrets médicinaux des gens du peuple, des bonnes femmes, des barbiers, des baigneurs, des ventrières et même des bourreaux. Rien ni personne n’eût pu rassasier sa soif immense de connaissances, qu’il voulait mettre au profit de l’humanité.
    C’est gorgé de tout ce savoir désappris pour mieux en retenir la quintessence que Philippus laissa retomber ses doigts gelés contre le bois d’une porte basse, au cœur de la petite cité provençale.
    Une femme aux traits réguliers entrebâilla l’huis avec prudence, tandis que, nanti de son fort accent guttural, il se présentait et insistait pour rencontrer le fils de la maisonnée. Aussitôt, la porte s’ouvrit pour leur livrer passage et maître et valet pénétrèrent dans une pièce sobre où régnait la douce chaleur d’un feu bienveillant, assortie d’une suave odeur de soupe.
    Philippus se laissa distraire un instant du but de sa visite par ce simple fumet qui lui rappelait n’avoir rien mangé depuis le matin, tant sa bourse était vide. S’il ne trouvait pas bientôt sur sa route un providentiel malade disposé à payer ses services, il lui faudrait compter sur un hypothétique gibier, comme tant d’autres fois. Malheureusement, par ce temps il était difficile d’attraper perdrix ou lièvre. Quant à gratter le sol gelé pour en extraire des racines, il n’y fallait pas songer. Il n’y avait guère que quelques poireaux sauvages de-ci de-là, rendus inconsommables par le gel.
    Orgueilleux, il toussota pour dissimuler à son hôtesse le méchant gargouillis de son ventre, se contentant de humer les vapeurs savoureuses qui s’échappaient du chaudron suspendu au-dessus du foyer. Son valet, quant à lui, lorgnait sans scrupule la miche de pain blond qu’une toile légère maintenait tiède sur la table.
    Au moment où leur hôtesse s’avançait vers l’escalier de bois pour héler son fils, un garçonnet descendit à sa rencontre et les salua depuis le milieu des marches :
    –  Je vous attendais, messire. Mère, poursuivit-il comme Philippus fronçait le sourcil, étonné de cette entrée en matière, le repas est-il prêt pour recevoir nos visiteurs ? Ils ont grand faim et chacun sait qu’on ne parle bien que le ventre plein.
    –  J’allais dresser la table quand ils se sont annoncés, assura la jeune femme dont le visage s’éclaira d’un voile de fierté à l’égard de son fils prodige, tandis que celui-ci, du haut de ses douze ans, lançait un regard de connivence à Philippus. Ce dernier, impressionné et somme toute ravi de cet accueil inespéré, ne sut que proférer maladroitement :
    –  Ainsi donc, cette fable était vraie !
    –  Hélas, messire, ajouta le garçonnet parvenant à sa hauteur et le saluant d’une courbette

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