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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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d’Antoinette. Elle pleurait doucement, sans s’en rendre compte, et Huc dut se faire violence pour ne pas la prendre dans ses bras. Il murmura avec sollicitude :
    –  Je vais devoir nettoyer sa plaie. Vous ne devriez pas rester là.
    –  C’est ma place, Huc, répondit Antoinette, d’une voix mal assurée pourtant. Je me dois de demeurer à ses côtés puisqu’il est… vivant ! ajouta-t-elle dans un souffle.
    Huc sentit quelque chose se déchirer en lui, à lui faire mal. Il ne sut que détourner la tête, bouleversé d’avoir éprouvé cette même déception en découvrant François.
    Comme il lui aurait été facile de l’étrangler sans bruit. De venger par ce simple geste Isabeau, l’aïeule, Albérie et Antoinette. Mais il ne l’avait pas fait. « Bertrandeau est arrivé trop tôt », lui souffla une petite voix pour excuser sa lâcheté, mais il ne la crut pas. La vérité était autre, il le savait. Il n’était pas un meurtrier.
    –  Priez, ma dame ! gémit-il dans un brouillard glacial qui envahissait tout son être. Puis, se détournant d’elle, il s’activa sous les candélabres que Guillaumet et un comparse tenaient à main levée, l’esprit à son devoir et le cœur écartelé.
     
    Lorsqu’il eut achevé de nettoyer, désinfecter et panser la plaie, toujours aidé de Bertrandeau, ils transportèrent François dans la pièce voisine que Clothilde s’était hâtée de préparer. Bertrandeau en avait fait son cabinet de travail durant les réparations, et le bureau qui s’y trouvait était encore envahi de plans et de croquis. Ce n’était pas à proprement parler un lieu digne du seigneur de cette maison, mais la plupart des chambres n’avaient plus ni toiture ni vitres. Certaines cheminées s’étaient effondrées sous les rafales de vent et gisaient à même les luxueux parquets. On avait nettoyé le plus pressé, bâché et réparé, mais aucune pièce mieux que celle-ci ne convenait à un blessé, quel que fût son rang.
    François fut déposé sur le lit sobre non loin de la cheminée qui, restée, elle, intacte, dispensait une douce chaleur.
    Malgré son souffle régulier, il n’avait toujours pas repris connaissance, et Huc se demanda un instant s’il ne souffrait pas de quelque apostème 1 et s’il passerait la nuit. L’idée incongrue qu’Albérie, avec sa connaissance des simples héritée de sa grand-mère, pourrait le sauver, lui traversa l’esprit. Cela le fit sourire. Albérie n’aurait pas guéri François de Chazeron, il le savait. Elle aurait trouvé le courage qu’il n’avait pas eu. Il tourna la tête vers Antoinette. Elle avait jeté un châle de laine sur ses épaules et s’était installée au chevet de François, sans un mot, les mains jointes en une interminable et fervente prière dont il n’aurait pu dire la teneur. C’était désormais à Dieu tout-puissant de décider du devenir de cet homme. Mais Huc ne parvenait pas malgré lui à chasser l’image de cette pièce où voletait imperceptiblement le souffle du diable.
    Il soupira en silence. Demain serait un autre jour. Avec Bertrandeau qui avait refusé de quitter les lieux et Guillaumet qui, malgré son jeune âge, avait insisté pour s’activer au renouvellement des chandelles, il s’installa dans un coin de la pièce, à même le sol. Ce 12 octobre 1515 commença ainsi une longue , très longue veillée.
     
    Philippus Bombastus von Hohenheim était un jeune homme de vingt-deux ans, alerte bien qu’un peu poupon de visage. Dire qu’il était séduisant serait exagéré, mais il émanait de sa personne un charme mystérieux auquel la profondeur et l’intelligence de ses yeux noirs n’étaient pas étrangères. Esprit vif, fouineur et sensiblement orgueilleux, Philippus s’intéressait à tout et surtout à ce qui pouvait être remis en question par les diverses sortes de sciences. Son père, médecin suisse, l’avait élevé dans cette optique de curiosité pour en faire son digne successeur.
     
    1 Abcès

Mais si Philippus avait hérité de son géniteur le respect pour la médecine, il avait aussi et surtout grandi à l’ombre de la fameuse Vierge Noire dans l’abbaye de Schwyz où sa mère avait été servante.
    Et la rigueur de sa formation s’était heurtée aux récits légendaires de guérisons spontanées, de pseudomiracles et de croyances populaires dont son père ne savait que rire, mais qui trouvaient en son âme d’enfant un écho favorable.
    Pour toutes

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