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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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moqueuse, car il m’arrive de prédire plus grand malheur que bonheur, sans pouvoir seulement changer le cours des choses. Mais prenez place, je lis dans l’expression gourmande de votre valet que la fortune vous a oubliés sur ces méchants pavés qui vous menèrent à moi. Otez donc ces pelisses, qu’on les étende devant le feu, et venez-vous réchauffer de ce vin. Nous ne faisons pas auberge, mais nos invités sont chez nous comme des nôtres.
    Philippus s’était ressaisi et regardait le jouvenceau dont l’intelligence illuminait la face derrière une pointe de malice. Il lui rendit sa révérence, comme il se serait incliné devant un important personnage :
    –  Philippus Bombastus von Hohenheim, se présenta-t-il.
    –  Celui que l’on nommera bientôt Paracelse, oui, je le sais déjà, mon ami.
    –  Mais qui êtes-vous donc en vérité ? demanda Philip-pus décidément perplexe, tandis que son valet suivait avec dévotion le manège de la mère autour de la table qu’elle achevait de dresser en silence.
    –  Michel de Nostre-Dame, pour vous servir, dans le respect des Saintes Ecritures et de la Science. Car ne voyez en tout ceci ni prétention ni malice, simplement un don de Dieu. Rien qu’un don de Dieu.
    –  Et que pourrais-je y voir d’autre ? laissa échapper Philippus qu’un profond respect unissait déjà à son insu au petit homme.
    La mère suspendit son geste et se mit à trembler, tandis que Michel répondait à voix basse :
    –  La main du diable, messire, ce qui aurait pour conséquence d’amener sur cette maison un procès mal intentionné.
    Philippus hocha la tête gravement. Combien de fois avait-il vu l’inquisition frapper de son terrible jugement tel ou tel en Espagne et ailleurs ! Il n’avait pas sur ses mains assez de doigts pour les compter, ni assez de cynisme pour oublier le cri de ces malheureux léchés par les flammes.
    Un silence glacial avait soudain plombé la tiède demeure. Philippus se hâta de le dissiper, mais curieusement ce fut à la mère qu’il s’adressa :
    –  N’ayez crainte, sainte femme ! Je suis un homme de science et non d’Eglise. En tant que tel, j’applaudis aux prodiges de l’esprit humain. Le malheur n’atteindra pas votre demeure, car mon cœur est aussi pur et noble que mes intentions puisqu’il se veut au service de mes semblables.
    –  Je n’avais pas d’inquiétude, mon ami, approuva Michel dont le visage s’illumina d’un franc sourire ; et tout comme moi, sachez-le, vous les servirez bien. Mère, ajouta-t-il, gardez au chaud la part de mon père et de mon frère. La clientèle les retiendra fort tard.
    Sans s’émouvoir plus avant de cette prédiction, l’interpellée déposa un linge tiède sur deux des écuelles de terre cuite et entreprit de remplir les autres au moyen d’une louche qui attendait son heure, accrochée à un piton contre le mur.
    Alors, n’y tenant plus, le valet écarquilla les yeux, roula sur ses lèvres une langue démesurée qui signifiait mieux que tous les discours son profond contentement, et s’attabla en tapotant d’impatience sur le bois ciré. !
    Philippus et Michel échangèrent un regard de connivence et éclatèrent ensemble d’un rire joyeux !
    Ce repas fut à Philippus le plus agréable qu’il ait pris depuis longtemps. Un instant, il se crut revenu dans sa Suisse natale, auprès des siens, tant l’atmosphère dans cette humble demeure respirait la douceur de vivre, malgré, on le percevait au mobilier sommaire, le fort peu d’aisance.
    Le grand père de Michel figure médicale qui avait en son temps soigné le roi René, était connu pour avoir laissé quantité de notes étonnantes . Fort de la rumeur qui prétendait son fils porteur d’un don de divination prononcé, Philippus avait résolu de lui rendre visite.
    Il s’en félicitait. Dans ce nid douillet où les mots d’esprit voisinaient avec la simplicité d’une intelligence sans fard, Philippus oublia un instant la morsure de l’hiver, sa quête éperdue de connaissance et même son propre rang, pour redevenir un petit garçon émerveillé devant un géant de douze ans à peine.
    Lorsque le repas s’acheva sur une tarte aux noix, laissant maître et valet l’estomac saburré 1 Michel se racla la gorge et se tourna vers Philippus, l’air grave et défait soudain :
    –  Monture et valet trouveront gîte dans l’écurie pour la nuit. Pour vous, elle sera longue, car vous n’êtes point venu

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