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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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surpris par l’odeur de lavande qui s’en dégageait. Dans certains lieux, l’absence d’hygiène rendait cet endroit dégoûtant. Ici il semblait bassiné de frais régulièrement de sorte que rien n’égratignait le nez. Philippus constata même que des linges humides attendaient dans un baquet empli d’eau pour s’essuyer. L’odeur de lavande provenait de là.
    Tout en vidant les urines de Michel dans le conduit débouchant sur la ruelle, il se rappela piteusement s’être soulagé la veille dans le caniveau d’une venelle derrière la bâtisse pour ne point embarrasser ses hôtes. De gros rats lui avaient filé entre les jambes. Combien de fois avait-il dû chasser les rongeurs de ses braies depuis qu’il était en chemin ? Il l’ignorait, mais il savait que leur nombre grossirait chaque jour davantage tant qu’il choisirait cette vie aventureuse. Pris soudain d’une profonde nostalgie, il songea à son père établi là-bas dans sa Suisse natale, à son enfance choyée comme celle de Michel en ces murs. La même passion, le même rêve : se mettre au service de ses prochains.
    En Italie, il avait souhaité rencontrer ce Leonardo da Vinci, peintre devin s’il en était et génial inventeur de machines extraordinaires dont il avait entendu parler en écarquillant les yeux. Mais l’homme n’avait pas daigné le recevoir. Il n’ouvrait qu’aux puissants. Et Philippus n’avait pas un sou vaillant. Rien d’autre, comme l’avait dit Michel, que ce pitoyable orgueil. Beaucoup d’argent, avait-il affirmé aussi. Non, décidément, se rengorgea Philippus en tirant derrière lui le rideau des latrines, il n’existe pas de hasard. Et, fort de cette certitude, il descendit l’escalier, s’empara de sa trousse et sortit de la bâtisse.
    À l’extérieur, un soleil franc lui piqua les yeux. Il se demanda un instant s’il devait quérir Corichon qu’il n’avait aperçu depuis la veille, puis songea qu’il se débrouillerait mieux tout seul. Il secoua la bourse attachée par un fil de soie sous son pourpoint élimé. Un méchant sol y restait, à peine de quoi s’offrir une pinte de vin. Ce serait suffisant pour entrer dans la place. Si cette jeune femme existait et l’attendait, il ne mettrait pas long temps pour la trouver. A moins qu’elle ne le trouve…
    Devant sa porte, un cordonnier achevait de marchander une paire de lacets destinés à la réparation d’un carquois. Philippus attendit qu’il fût payé puis s’avisa de la direction qu’il lui fallait prendre. L’homme dégageait une forte odeur de crotte. Il le fit répéter plusieurs fois avant de percer sous l’accent guttural de Philippus le sens de sa phrase, puis le renseigna aimablement. Philippus s’éloigna de la boutique avec plaisir. L’homme devait tanner lui-même ses peaux pour puer de la sorte, car il savait bien que l’utilisation des fientes était un usage courant pour assouplir le cuir. Pour lui donner raison, en obliquant à l’angle de la bâtisse comme indiqué, il aperçut deux barriques autour desquelles bourdonnait une nuée de grosses mouches noires. Philippus hâta le pas en se félicitant d’être aux portes de l’hiver plutôt qu’en été. Rompu aux habitudes des villes et villages, il ne fut pas long à se trouver devant l’enseigne du Songe du roi, non sans avoir dû éviter cavaliers et chariots en se plaquant contre les murs des maisons.
    Une odeur de vinasse et de bière le saisit gaillardement aux narines. Il aimait l’ambiance dévergondée des tavernes. Des rires fusaient de partout, du comptoir large aux tables. Philippus jeta un coup d’œil circulaire. Les seules jeunes femmes qu’il vit en cet antre étaient des filles de joie dont les gorges amplement dénudées s’offraient sans vergogne aux mains et aux bouches hardies. A une table, un groupe d’hommes d’armes aux couleurs du seigneur du lieu chantait à tue-tête un chant de corps de garde que reprenait d’une voix de fausset une brunette à demi saoule en équilibre instable sur un genou. Elle se mit à rire bêtement quand, pour la retenir alors qu’elle partait en arrière, un homme la rattrapa par son corsage, libérant sa poitrine volumineuse.
    Tout cela régala Philippus. Il s’installa à une table d’où il pouvait couvrir la salle du regard et, à l’aubergiste qui approchait, commanda pour un sol de vin. Le garde avait à présent positionné la brunette à cheval sur ses cuisses et léchait voracement

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