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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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songeais que mon frère, Etienne, qui est moine au Moutier, pouvait aisément remplir ces deux fonctions. Mais il sera fait selon vos désirs.
    –  Vous le croyez donc perdu, chuchota-t-elle dans un souffle.
    –  Je ne saurais le dire, mais Etienne est un bon apothicaire…
    –  Vous avez raison, Huc, avait-elle approuvé. S’il ne peut le guérir, il lui donnera les derniers sacrements. Quoi qu’il en soit, je ne peux me présenter devant mes gens en cette mise. Souffrez que je vous laisse à son chevet.
    –  Prenez tout le temps qu’il vous faudra, avait cru bon d’ajouter Huc cependant qu’elle le frôlait du bas de sa robe relevée par ses mains fines, pour qu’elle ne traîne pas à terre.
    Tandis que la chambrière achevait de nouer les lacets de son corsage, elle se dit que ce n’était pas tant ses traits mâchés qu’elle avait tenu à rafraîchir, mais ses idées. Elle se sentit soudain honteuse. Qu’était-elle devenue ? N’avait-elle brusquement plus aucune dignité pour souhaiter si ardemment se conduire comme la dernière des catins ? Elle se drapa dans le malheur comme une punition et, prête à recevoir le frère Etienne, sortit de la pièce pour se faire servir son matinel.
    Huc était seul avec François dans la lumière du jour dispensée par une croisée proche. Une sueur froide accentuait un goût amer dans sa bouche, grandissant de minute en minute. Il ne pouvait détacher son regard du cou de son seigneur que l’on avait dégagé pour qu’il respire mieux. De fait, son souffle était régulier et son teint était redevenu rosé. François paraissait dormir. Huc se redressa, luttant contre les sentiments contradictoires qui bousculaient tout son être sans ménagement. Il songeait à Albérie, et tout aussitôt à Antoinette qu’il eût volontiers culbutée comme une servante ce matin, puis de nouveau à Albérie, et encore à Isabeau et à l’enfant qu’elle laissait.
    Tout cela le ramenait à sa haine. Cette haine qu’il contrait depuis tant d’années, et encore davantage depuis la veille. Il y avait songé toute la nuit, priant le ciel pour ne pas rester seul avec son maître, si vulnérable en cette posture. Lorsque le désir fut si violent qu’il ne put le réfuter, il tenta de sortir de la pièce. Ce fut le souvenir du visage d’Isabeau qui le ramena s’asseoir auprès du malade. Il vit ses mains se rapprocher inexorablement du cou de François. Il essaya de lutter encore avec sa conscience, mais l’envie était trop forte. Ses doigts se refermèrent sur la peau moite. Il eut le sentiment qu’il ne pourrait plus les empêcher de serrer, serrer encore jusqu’à ce qu’elles se rejoignent en broyant le passé, mais son geste se figea avant même d’avoir commencé.
    François avait ouvert grand les yeux et le fixait. Sur l’instant, un sentiment de peur gagna Huc tandis qu’un puissant instinct de survie le forçait au calme. Son désir de meurtre l’avait quitté brusquement au profit d’une autre évidence : François avait compris qu’il le haïssait. Depuis combien de temps était-il conscient ? Quel jeu avait-il joué pour percer leurs intentions les plus secrètes ?
    Tout cela passa en une fraction de seconde dans son esprit, l’amenant à la conclusion qu’il ne devait en aucun cas retirer ses mains. Huc se contenta d’attendre, en déplaçant ses doigts, comme s’il voulait vérifier le flux sanguin de chaque côté de la gorge, comme si son geste avait de bonnes intentions.
    –  Eh bien, Huc, vais-je vivre finalement ?
    La voix de François semblait lointaine, gutturale, accusatrice et provocatrice. Mais Huc s’était ressaisi par cette simple palpation. Il n’était pas un assassin, répétait en lui une voix moqueuse. Il s’astreignit à sourire à son maître et ne se justifia pas :
    –  Je le crois, oui. Vous nous avez donné grand souci, monseigneur, affirma-t-il en retirant enfin ses paumes.
    –  Je m’en aperçois. Mais je me sens bien à présent. Pour tout te dire, mon ami, j’ai grand faim !
    Et sans plus attendre, il se dressa sur son séant. Huc s’écarta, il aurait voulu protester, le convaincre de garder la couche pour éviter un malaise, mais il n’en fit rien. Quelque chose en lui réfrénait toute initiative, quelque chose comme un irrépressible sentiment de danger.
    De fait, François s’assit sans dommage, étira son corps courbaturé, l’air satisfait, puis ouvrit brutalement la porte pour sortir

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